La KU Leuven étudie les effets des cétones sur les sportifs d’endurance
Le physiologiste du mouvement Peter Hespel et une équipe de chercheurs à l’Université catholique de Louvain (Brabant flamand) ont étudié les effets des cétones sur les prestations sportives, et notamment celles dans les disciplines sportives d’endurance. Les résultats sont surprenants : en moyenne, la "boisson miracle" à base de cétones permet aux sportifs d’endurance de fournir un effort accru de 15%, grâce à une meilleure récupération. Les cétones laisseraient aussi entrevoir des résultats encourageants pour le traitement futur de maladies.
Les corps cétoniques ou cétones sont produits en petite quantité par le corps lorsque notre réserve de glucides est brûlée et que la combustion des graisses a débuté. C’est le foie qui produits les cétones, qui constituent donc une grosse source d'énergie. On les qualifie parfois aussi de quatrième carburant pour le corps, à côté des glucides, des protéines et des graisses.
Les cétones sont déjà bien connues dans le milieu cycliste. Mais « ces cinq dernières années, il n’y a eu que des études sur l’utilisation de cétones pendant l’effort, mais aucune recherche qui ait porté sur l’effet des cétones pendant la phase de récupération », indique le professeur de la KU Leuven, Peter Hespel, qui a dirigé une étude sur ce sujet précis.
Et il n’est pas anodin, car qui récupère mieux et plus vite peut mieux s’entrainer, reste plus frais, et accumule ainsi à terme un énorme avantage (sportif). « Or la phase de la récupération est justement celle où les cétones ont le plus d’effet », précise le physiologiste flamand spécialisé dans le mouvement et l’effort. Les résultats de son étude ont été publiés dans le Journal of Physiology.
Un super carburant qui peut se boire
Les corps cétoniques peuvent aussi être donnés au corps sous forme d’une boisson - une petite bouteille de 25 grammes. Ce "remède miracle" procure un super carburant au corps sans devoir faire le moindre effort, si ce n’est boire le liquide, qui n’a pas tellement bon goût. Mais cette bouteille augmente la concentration de corps cétoniques dans l’organisme comme le ferait une semaine de jeûne alimentaire - pendant laquelle le corps produit également une quantité accrue de cétones.
D’après les études, le dosage recommandé de cétones n’a en principe aucun effet secondaire nocif sur le corps. Au contraire, il augmenterait la capacité de récupération mais aussi l’appétit lors d’efforts d’endurance sur une longue période et la qualité du sommeil. Les patients qui souffrent de diabète doivent néanmoins faire attention, et veiller à ne pas ingérer de hauts dosages de cétones. La quantité maximale recommandée est de trois bouteilles de 25 grammes par jour.
Tests de trois semaines sur 18 personnes
Les chercheurs de la KU Leuven ont sélectionné dix-huit hommes entraînés pour cette étude. Ces derniers ont été répartis en deux groupes et ont suivi un exercice d'endurance pendant trois semaines, à raison d’une heure et demie à trois heures par jour. "Ces personnes étaient toutes sur les genoux au bout des trois semaines, à savoir dans un état de fatigue comparable à celui des grands coureurs du Tour de France à l’arrivée sur les Champs Elysées", indique Peter Hespel (photo).
Neuf de ces personnes ont reçu une substance contenant des cétones et les neuf autres ont pris un placebo. Durant la troisième semaine, l'effort fourni par le groupe à la cétone, dans la dernière demi-heure de l'entraînement de deux heures, était de 15% plus élevé. De plus, la fréquence cardiaque maximale au sein du groupe au placebo avait baissé de 20 pulsations. Un des effets classiques lié à la fatigue est une fréquence cardiaque maximale ralentie. Au sein du groupe à la cétone, elle a diminué d'à peine 10 pulsations. Et ces personnes ont plus rapidement récupéré.
Peter Hespel reconnait que le groupe-test est restreint, mais estime pouvoir extrapoler les résultats. Il reçoit en effet beaucoup d’informations des athlètes de compétition qui utilisent des cétones, qui attestent de résultats semblables dans le monde sportif. "L’extrapolation peut être appliquée".
Boisson créée pour l’armée américaine
Professeur de biochimie à Oxford, Kieran Clarke a mis au point des produits contenant des cétones, pour le compte de l'armée américaine dans un premier temps. Des athlètes britanniques ont eu accès à ces produits aux deux derniers Jeux olympiques (Londres en 2012 et Rio en 2016), tout comme l'équipe cycliste Sky. Depuis janvier 2018, les boissons et autres produits contenant des cétones sont en vente libre, uniquement aux Etats-Unis et en grande quantité.
Ils ne sont pas près de figurer sur la liste de produits dopants, estime le professeur Peter Van Eenoo, responsable du laboratoire antidopage de Gand. Pour être repris sur une telle liste, un produit doit améliorer les performances et développer des effets secondaires. Le premier point est prouvé, pas le second. "La recherche autour des effets et des effets secondaires des cétones en est à ses balbutiements", explique Peter Van Eenoo.
Peter Hespel de la KU Leuven, qui accompagne depuis des années les sportifs du plus haut niveau, qualifie cependant les résultats de sa recherche d’étonnants. "C’est le plus spectaculaire de ce que j’ai déjà vu en matière d’impact sportif". Si, pour les sportifs de haut niveau, chaque seconde compte et peut faire une différence énorme, les cétones devraient aussi avoir des effets positifs dans d’autres domaines.
Des résultats préliminaires d’études indiquent ainsi que les cétones peuvent faire une différence pour des maladies telles que Parkinson, Alzheimer, voire même certains cancers. Il est cependant encore trop tôt pour tirer de réelles conclusions, étant donné que la recherche ne se situe encore que dans la phase de tests.