Le sort du chaton péruvien Lee oppose une étudiante de Stabroek à l’Afsca

Le Conseil d'État a rejeté vendredi soir une demande introduite par une étudiante de Stabroek (en province anversoise) sommée d'euthanasier le chaton qu'elle avait ramené du Pérou, parce que l'animal serait susceptible de transmettre la rage. L'étudiante Selena Ali a demandé la suspension de la mise en œuvre de la décision de l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca), mais le Conseil d'État n'a pas suivi la requête, estimant qu'il n'avait pas été démontré que la décision de l'Afsca était illégale. Alors que le ministre du Bien-être animal Ben Weyts est intervenu en faveur de l’étudiante dans ce dossier, le virologue Steven Van Gucht a rappelé à VRT NWS le danger que constitue la rage - "le virus le plus meurtrier au monde" - pour la santé publique.

La saga du chaton péruvien a commencé début avril, lorsque l'étudiante de Stabroek a ramené le petit félin dans un vol qui la rapatriait en Belgique en raison de la crise du coronavirus, et cela sans suivre la procédure adéquate. Le Pérou est un pays à haut risque pour la rage, une maladie infectieuse mortelle qui peut également affecter les humains. La jeune femme a indiqué que le chaton avait été vacciné avant le voyage et disposait d'anticorps.

L'Afsca souligne toutefois que la propriétaire était au courant de l'interdiction de ramener l'animal, étant donné qu'aucun test ne peut détecter la maladie chez les animaux vivants et qu'une vaccination ne fournit pas de protection pour les animaux qui sont déjà infectés. Il n'y aurait dès lors aucune certitude sur l'immunité du félin, selon l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaine alimentaire. L'étudiante souhaite que son chaton soit placé en quarantaine plutôt qu'euthanasié.

L'Afsca a dès lors envoyé la police à son domicile plus tôt dans la semaine et l'a poursuivie en justice. L’Agence réclame notamment une astreinte de 5.000 euros par heure tant que le chaton ne lui est pas remis et 1.000 euros chaque fois que Selena Ali parle de son chat en public.

Selena Ali et son avocat au tribunal anversois

Euthanasie, la seule option ?

L'affaire a été introduite ce vendredi devant le tribunal de première instance néerlandophone d'Anvers, mais reportée au 29 mai afin de laisser suffisamment de temps à la défense et aux parties civiles pour préparer leurs conclusions. L'organisation de défense des animaux Gaia et le ministre flamand du Bien-être animal Ben Weyts (N-VA) sont intervenus dans le dossier en faveur de l'étudiante. "La réglementation européenne stipule que la quarantaine est l'une des options et que l'euthanasie ne devrait être autorisée, en dernier recours, que si la quarantaine s'avère absolument impossible", a argumenté le président de Gaia Michel Vandenbosch.

"Nous sommes ici absolument convaincus qu'il existe un réel danger que cet animal développe la rage et qu'il pourrait y avoir des victimes. Dans les circonstances actuelles, l'euthanasie est la seule option pour nous, même si nous le regrettons", a déclaré, pour sa part, Philippe Houdart, responsable de la prévention et de la sensibilisation et vétérinaire à l'Afsca.

"La rage est le virus le plus meurtrier au monde"

Questionné à ce sujet par VRT NWS, le virologue Steven Van Gucht - l’actuel porte-parole interfédéral Covid-19 - affirme comprendre l’indignation de la jeune étudiante à propos de la demande d’euthanasie de son chaton, mais soutient la décision de l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaine alimentaire. Il souligne en effet que "la rage est le virus le plus meurtrier au monde. Il n’existe pas encore de méthode pour démontrer que l’animal n’est pas contaminé. Nous devons donc partir du point de vue du pire scénario et ne pas prendre de risque pour la santé publique".

"L’Afsca a raison dans ce dossier et ne fait rien d’autre que de suivre les procédures qui sont d’application pour la prévention contre la rage, pas seulement en Belgique mais aussi au niveau international. Elles stipulent que des animaux qui sont importés de pays à risque peuvent être euthanasiés. L’Afsca ne peut pas déroger à cette procédure", explique Steven Van Gucht.

La jeune étudiante n’a pas suivi toute la procédure qui veut que l’animal soit vacciné contre la rage dans son pays d’origine (le Pérou dans ce cas), "puis qu’un échantillon de sang soit prélevé un mois plus tard pour voir s’il a développé des anticorps. Ensuite une période d’attente de trois mois est imposée, dans le pays d’origine. Ce n’est qu’à la suite de cette étape, et si l’animal n’a pas la rage, qu’il peut être introduit dans l’Union européenne", précise le virologue. Chaton Lee (photo) aurait donc dû passer la période de 3 mois de quarantaine au Pérou.

Van Gucht (photo archives) rappelle que la rage est mortelle à 100%, tant pour les animaux que pour l’homme. "On ne peut prendre aucun risque. Il pourrait contaminer d’autres animaux domestiques ou des humains".

Qu’en est-il d’une quarantaine en Belgique, comme le proposent l’étudiante, son avocat et le ministre flamand du Bien-être animal, Ben Weyts ? "A ma connaissance, il n’existe pas en Belgique de structure qui puisse accueillir un animal domestique en toute sécurité et avec une bonne protection", indique Steven Van Gucht. "Ce genre de structure est en outre très chère. Je ne pense pas qu’elle existe dans notre pays".

Et le virologue de conclure : "Nous ne devons pas oublier qu’il nous a fallu des décennies en Belgique pour se débarrasser complètement de la rage. Cela nous a coûté énormément d’énergie, d’argent, de morts d’animaux sauvages et domestiques. Depuis 2001 nous y sommes parvenus, et nous voulons préserver cette situation. Ce qui veut dire que nous devons être très stricts. Je comprends qu’il soit difficile d’accepter cela pour les personnes impliquées dans cette affaire. Mais si l’Afsca ne prend pas les mesures adéquates, nous risquons de voir d’autres citoyens ramener des animaux de pays à risque".

Une porte-parole de l'Afsca porte plainte pour menaces

Une porte-parole de l'Agence pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca) a entretemps déposé plainte auprès de la police après avoir été menacée dans l'affaire du chaton ramené du Pérou.

Au palais de justice et sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes ont manifesté leur soutien à l'animal, l'une d'entre elles allant jusqu'à menacer une porte-parole de l'Afsca.

"Nous avons une procédure au sein de l'Afsca dès qu'un des collaborateurs est menacé", précisait une porte-parole à l'agence Belga. "Dans pareil cas, nos collaborateurs peuvent porter plainte à la police. Je peux confirmer qu'une plainte a été déposée, mais je ne peux en dire plus."

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