Pour la Sûreté de l’Etat : Téhéran projetait de commettre un attentat en France via un couple belgo-iranien
Le tribunal correctionnel d'Anvers se penchera à partir du vendredi 27 novembre sur l'attentat déjoué en France en 2018. Quatre prévenus, dont un couple de Belges d'origine iranienne, sont soupçonnés d'avoir voulu faire exploser une bombe lors d'un grand rassemblement d'opposants au régime de Téhéran à Villepinte en France.
Les quatre suspects sont incarcérés depuis 2018. Nasimeh N. et Amir S., un couple de Belges d'origine iranienne vivant à Wilrijk, près d'Anvers, ont été interpellés à Woluwe-Saint-Pierre (en Région bruxelloise), le 30 juin 2018, avec une bombe dissimulée dans une trousse de toilette dans leur voiture. La bombe était composée de 500 grammes d'explosifs et un détonateur Les deux trentenaires se rendaient à une conférence des Moudjahidines du peuple (MEK) à Villepinte, près de Paris. Les deux autres suspects sont Merhad A. et Assadollah A., un diplomate à l'ambassade d'Iran en Autriche arrêté en Allemagne et extradé vers la Belgique.
La Sûreté belge informée
Le 25 juin 2018, la section anti-terrorisme de la police judiciaire fédérale est informée par la Sûreté de l’Etat qu’un couple belgo-iranien résidant à Anvers s’apprête à commettre un attentat en France. Notre pays a reçu l’information d'un service de sécurité étranger indiquant qu'une attaque est imminente et que des Belges y participent. On suppose que le tuyau est venu indirectement des services secrets américains et/ou israéliens. Les informations sont, comme d'habitude dans ce genre de cas, partagées par un "troisième" service de sécurité, afin de ne pas révéler la source originale.
Un rendez-vous à Luxembourg-ville
Quelques jours auparavant, le 25 juin, le couple belgo-iranien Amir S. et Nasimeh N. rencontre un homme qu'ils connaissent sous le nom de "Daniel" à la terrasse du Pizza Hut de Luxembourg-ville. "Daniel" leur donne un paquet, un téléphone portable avec une carte SIM autrichienne ainsi qu’une enveloppe contenant 22 000 euros. Dans les jours qui suivent, de nombreux SMS seront échangés entre les trois : "Si vous nous autorisez à y aller, nous partirons". Le couple indique qu'ils connaissent maintenant parfaitement le fonctionnement de la bombe.
Ce que les trois ignorent, c’est qu’ils font l’objet d’une filature par les services de sécurité depuis un certain temps déjà, qui les observent et prennent des photos de leurs activités.
Le véhicule du couple est intercepté à Woluwe-Saint-Pierre
Le couple vit à Wilrijk (Anvers), sur la Boomsesteenweg, et se fait passer pour des partisans de l'opposition iranienne depuis plusieurs années. Amir vit dans notre pays depuis 2003 et est un ancien docker et manutentionnaire à Anvers.
Le 30 juin 2018, le couple belgo-iranien prend la route de la France à bord d’une toute nouvelle Mercedes. Une fois encore des SMS sont échangés : "Nous allons gagner la coupe. Tout est arrangé. Ton équipe va gagner, Inch Allah". Nasimeh conclu: "Au revoir !"
Le couple emprunte l'A12 entre Anvers et Bruxelles pour se rendre au grand rassemblement annuel des Moudjahidines du Peuple, qui doit se tenir à Villepinte, près de Paris. Quelque 15 000 opposants au régime iranien vont s’y rassembler ainsi que plusieurs personnalités internationales dont la femme politique franco-colombienne Ingrid Betancourt, l'ancien candidat présidentiel américain Newt Gingrich et Rudy Giuliani, avocat de Donald Trump et ancien maire de New York. Les deux Belgo-Iraniens se sont inscrits en tant que collaborateurs de l'événement afin d'avoir un badge personnel et de ne pas avoir à passer par la sécurité.
D’après la direction des Unités Spéciales de la police belge, le véhicule des deux suspects effectue diverses manœuvres d'évitement et se met soudainement à rouler à 180 km/h, puis ralentit à nouveau, et enfin accélère à nouveau. Juste avant un embouteillage, la voiture prend brusquement une sortie vers Bruxelles. À Woluwe-Saint-Pierre, sur l’avenue de Hinnisdael, les services de sécurité interviennent à 12h30 et la voiture est interceptée. Samir et Nasimeh sont arrêtés.
Une bombe dans une trousse de toilette
Le service de déminage de l’armée découvre, dans une petite trousse de toilette, une bombe de 500 grammes de TATP hautement explosive. Un robot de déminage fait une radio de la trousse.
La photo montre des explosifs et un détonateur sans fil. Le SEDEE (Service d’Enlèvement et de Destruction d’Engins Explosifs) décide de désamorcer la bombe. Mais lors de l’opération, elle explose. Un policier qui se trouvait à plus de cent mètres est légèrement blessé par la détonation.
Une enveloppe contenant 22 000 euros en espèces est également découverte dans la voiture.
Arrestation d’Assadi, dit "Daniel"
Le 28 juin 2018, un diplomate iranien est interpellé en Allemagne sur le parking de l'autoroute Spessard Süd près de Francfort. Il s'avère qu'il s'agit d’Assadollah Assadi, un "diplomate", attaché à l'ambassade d'Iran à Vienne en tant que troisième secrétaire du département politique. Au moment de son interpellation, il voyage avec sa femme et ses deux fils. On suppose qu'il était suivi depuis longtemps par un service de sécurité étranger.
Dans la Ford S-MAX rouge louée par Assadi, les enquêteurs découvrent des tas de preuve en vue de la préparation d’un attentat "Une véritable caverne d'Ali Babba", aurait confié quelqu’un.
Lors de son arrestation Assadi fera état de son statut diplomatique et refusera de faire des déclarations. Plus tard, lors d'un audition dans notre pays, il menacera les enquêteurs et dira "que des groupes armés sont prêts à intervenir s'il était condamné".
Nasimeh s'était rendue plusieurs fois en Iran
En 2010, Nasimeh avait été reconnue comme réfugiée. Néanmoins, elle était retournée treize fois en Iran entre 2010 et 2018, souvent même avec un visa d'affaires iranien. De ces voyages, aucun tampon ne figure sur son passeport. Au domicile de Nasimeh et Amir, les enquêteurs découvriront 35 000 euros en liquide. L'enquête montre qu'entre 2011 et 2018, 106 496 euros en espèces ont été déposés sur le compte de Nasimeh.
Nasimeh a déclaré aux enquêteurs qu'elle pensait que le paquet contenait des feux d'artifice, "pour effrayer les personnes présentes".
Dans cette affaire, une quatrième personne est poursuivie Il s'est également fait passer pour un partisan de l'opposition iranienne. Lors de son arrestation à Paris, il avait dans sa poche un GSM avec un seul numéro : celui d’Assadi. L'emballage de ce téléphone et de la carte SIM allemande se trouvait dans la Ford S-MAX rouge louée par Assadi. Selon les inspecteurs, il a sans doute servi d'espion "de réserve" dans la salle ou devait se produire l’attentat. D'après les renseignements, il semble qu'Assadi ait envoyé au moins une autre personne.
Après deux ans de détention préventive, la chambre du conseil a renvoyé en juillet les quatre suspects devant le tribunal correctionnel d’Anvers. Les quatre prévenus sont poursuivis pour tentative d'assassinat terroriste et participation aux activités d'un groupe terroriste.
Pour la Sûreté de l’Etat, l'attentat a été commandité par l’Iran
Selon la Sûreté, Assadi serait un espion sous couverture de diplomate à l'ambassade d'Iran. Il travaillait pour le principal service de renseignement iranien, actif à l'intérieur et à l'extérieur de l'Iran.
Ce service figure sur la liste européenne des organisations terroristes pour avoir, entre autres, lancé une campagne d'attentats en Irak contre des cibles occidentales. Avant sa nomination à Vienne, Assadi était accrédité auprès de l'ambassade d'Iran à Bagdad, en Irak.
Les conclusions de la Sûreté de l’Etat sont claires : le projet d’attaque a été conçu au nom de l’Iran et sous son impulsion. Il ne s’agissait pas d’une initiative personnelle d’Assadi. Ce dernier aurait fourni les explosifs au couple. Mais selon Téhéran, Assadi n'aurait rien à voir avec l'attaque déjouée et a été victime d'une conspiration des "ennemis de l'Iran".
Les conclusions de la Sûreté de l'État sont donc très graves pour l'Iran, elle conclut que Téhéran aurait tenté de commettre un attentat à la bombe dans une salle rassemblant plus de 15.000 personnes près de Paris. (voir photo ci-dessous).
Un procès qui sera très suivi à l’étranger
Le procès débutera ce vendredi à Anvers et sera certainement très suivi à Washington, Tel Aviv, Paris et plusieurs capitales européennes. Si les suspects sont condamné l’Iran sera dans une position difficile. Ce procès est très gênant pour Téhéran, juste au moment où une nouvelle administration va arriver au pouvoir aux États-Unis, avec l’élection de Joe Biden. L’Iran qui veut tenter de conclure un nouvel accord sur ses activités nucléaires avec le président Biden et l'Europe.