Œufs contaminés au fipronil : sept personnes et quatre entreprises comparaissent à Anvers

Le tribunal correctionnel d'Anvers s’est penché ce jeudi sur le dossier "fipronil". À l'été 2017, des centaines d'élevages de volailles en Belgique et aux Pays-Bas avaient été mis à l'arrêt après la découverte de la présence de fipronil, un insecticide, dans des œufs de poule. Sept personnes et quatre entreprises sont poursuivis. Le tribunal correctionnel d'Anvers a requis jeudi quatre ans de prison et 800.000 euros d'amende à l'encontre de l'homme d'affaires Patrick R., principal prévenu dans le volet belge de l'affaire.

La crise du fipronil s'était ressentie dans toute l'Europe. Rien qu'en Belgique, près de 2 millions de poulets et 77 millions d'œufs avaient dû être détruits. Le 2 juin 2017, une usine de Saint-Nicolas avait informé l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca) que du fipronil avait été trouvé dans des œufs destinés à la consommation humaine lors d'un échantillonnage.

Ce produit chimique antiparasitaire est utilisé dans les médicaments vétérinaires contre les puces et les tiques chez les chats et les chiens. Il est nocif pour l'homme et ne doit donc pas être administré aux animaux destinés à l'alimentation.

L'enquête qui a suivi a montré que l'usine avait reçu les œufs d'une ferme avicole de Lokeren. La société néerlandaise de désinfection Chickfriend avait traité les granges avec du Dega-16. Le produit a également été utilisé dans des centaines d'autres élevages de volailles en Belgique et aux Pays-Bas.

L'entreprise Poulty-Vision située à Weelde (Ravels) aurait mélangé ce pesticide légal avec un médicament pour animaux appelé fiprocid et dont l'agent actif est le fipronil. Avant le développement du "Dega-16", il existait le produit Miteclean pour le traitement des poux rouges, dont la substance active était l'amitraz. L'amitraz et le fiprocid auraient été importés de Roumanie sans licence par Poultry-Vision. 

Sept personnes et quatre entreprises

Ce jeudi, le procès s’est ouvert contre les vendeurs du Dega-16 et du Miteclean et contre les entreprises spécialisées dans le nettoyage des étables du secteur avicole qui ont utilisé ces produits.

Les principaux prévenus sont l'entreprise, aujourd'hui en faillite, Agro Remijsen, à qui appartient Poultry-Vision, et son directeur, Patrick R. Ils sont soupçonnés d'avoir, sans licence, importé, fabriqué, transporté, mis en vente et possédé des substances à effet antiparasitaire. Les vendeurs du Dega-16 sont également poursuivis pour faux, car ils n'auraient pas mentionné sur la documentation légale et l'étiquette du Dega-16 que ce produit contenait du fipronil.

Une société de nettoyage et son gérant sont poursuivis pour avoir utilisé cette documentation falsifiée dans le cadre de leurs activités commerciales. Les vendeurs du Dega-16 sont également poursuivis pour blanchiment d'argent en raison de diverses transactions qu'ils auraient effectuées avec l'argent de la vente illégale du Dega-16.

Selon l'accusation, les prévenus auraient commis les infractions dans le cadre d'une organisation criminelle et ce depuis mars 2013. Vingt-et-une entreprises avicoles se sont constituées parties civiles, ainsi que l'État belge, l'Afsca, l'Office public des déchets (OVAM), la Région flamande, l'Agence flamande du territoire et l'assureur Fidea. Ils devraient vraisemblablement réclamer d'importants dommages et intérêts. Le procès durera trois jours et se poursuivra les 23 et 30 avril.

Les deux directeurs de la société néerlandaise Chickfriend ont, eux, déjà été fixés sur leur sort le 12 avril. Le tribunal néerlandais de Zwolle les a condamnés à un an de prison pour avoir utilisé du fipronil dans des élevages de volailles et mis en danger la santé publique. Le tribunal a estimé qu'il était non seulement prouvé que les administrateurs savaient que le Dega-16 contenait du fipronil, mais aussi que Poultry-Vision l'avait ajouté à leur demande. 

Quatre ans requis, et une lourde amende

Le tribunal correctionnel d'Anvers a requis jeudi quatre ans de prison et 800.000 euros d'amende à l'encontre de l'homme d'affaires Patrick R., principal prévenu dans le volet belge de l'affaire.

Cet homme de 49 ans, originaire de Ravels, avait introduit sur le marché un produit "miracle" pour éradiquer les poux rouges dans les élevages de volailles. Il est soupçonné d'y avoir versé du fipronil. "Ce produit a été mis au point par Agro Remijsen, l'entreprise de Patrick R., et présenté comme 100% naturel, à base de menthol et d'huile d'eucalyptus, tout en luttant efficacement contre le pou rouge", a souligné le procureur jeudi à l'audience. "Il a été pulvérisé dans des centaines de fermes avicoles en Belgique et aux Pays-Bas qui, elles, ne savaient pas que Patrick R. y avait ajouté une substance toxique sans en faire mention sur l'étiquette du Dega-16."

Le ministère public a dès lors requis à l'encontre de Patrick R. quatre ans de prison, 800.000 euros d'amende, 10 ans d'interdiction d'exercer dans la profession et une saisie de 938.270 euros. Il a également demandé de condamner l'entreprise Agro Remijsen, tombée en faillite depuis lors, à 960.000 euros d'amende, ainsi qu'une saisie de 823.270 euros.

Trois autres entreprises, spécialisées dans le nettoyage des étables de volailles, et leurs dirigeants sont également poursuivis. Pour le parquet, ils étaient au courant que le Dega-16 contenait un produit illégal mais ne sont pas intervenus par appât du gain. Le ministère public a requis jusqu'à 576.000 euros d'amende pour ces entreprises et jusqu'à trois ans de prison, 600.000 euros d'amende et une interdiction d'exercer au sein de la profession pendant sept ans, ainsi que des saisies, pour les dirigeants.

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