"Ne pas reconstituer le stock stratégique de masques était une erreur"
Détruire ces dernières années le stock de 22 millions de masques qui avait été constitué pour faire face à la grippe H1N1 était "une bonne décision", mais ce fut "une erreur" de ne pas le reconstituer immédiatement après, a admis l'ancienne ministre de la Santé publique Maggie De Block (photo) lors de son audition, ce vendredi matin, devant la commission spéciale Covid de la Chambre. "On aurait pu et on aurait dû procéder autrement".
Cela restera éternellement une phase pénible dans l’histoire belge de la lutte contre l’épidémie de coronavirus : le secteur des soins de santé submergé de patients infectés pendant la première phase de la pandémie, alors que son personnel ne disposait pas de suffisamment de masques buccaux sûrs pour se protéger. Une situation que dénonçait l’an dernier le magazine ‘Pano’ de la VRT. Il y avait en effet eu, en 2006, une réserve de dizaines de millions de masques, constituée sous le gouvernement Michel dans le cadre d’un plan pandémie. Mais ces masques ont été détruits entre 2015 et 2018 parce qu’ils étaient conservés dans de mauvaises conditions.
Pendant son audition devant la commission spéciale Covid de la Chambre, ce vendredi, l’ex-ministre fédérale de la Santé a souligné qu’il n’y avait pas eu d’autre solution que la destruction des masques. Elle affirme avoir reçu à l’époque des rapports et avis indiquant que la "capacité de protéger ce matériel n’était plus garantie". "Je sais que pour le reportage de Pano des exemplaires de ces masques conservés ont été testés et déclarés propres à l’usage. Mais personne n’ajoute que ces boites restantes n’ont certainement pas été conservées pendant des années dans les hangars en question. Or c’est crucial, car c’est justement la situation dans ces hangars qui a rendu le stock inutilisable. Le détruire a donc été la bonne solution".
Et la ministre De Block de préciser encore : "Nous voulions mettre fin à des stocks statiques qui prennent la poussière jusqu'à leur date d'expiration. C'était le cas, notamment, avec les stocks de matériel qui avaient été prévus pour Ebola" sans jamais être utilisés. "J'ai demandé la création d'un stock de rotation décentralisé", afin de résoudre les problèmes de stockage mais c'est un exercice "qui ne peut pas être réalisé du jour au lendemain" et "nous n'avons pas pensé que c'était urgent", a poursuivi l’ancienne ministre.
"J'aurais dû demander qu'on crée un nouveau stock statique et, parallèlement, développer un plan pour un stock de rotation mais le Covid s'est installé", a ajouté Maggie De Block. "Nous aurions dû faire autrement, pas uniquement pour les masques mais aussi pour tous les médicaments qui permettent de soigner des gens gravement malades", a-t-elle encore reconnu.
L’ex-ministre (photo) admettait aussi que l’absence de matériel approprié en suffisance a encore accru le stress dans lequel le personnel soignant a dû travailler les premières semaines de l’épidémie.
Des leçons à tirer
Maggie De Block avait aussi une longue liste de leçons qu’elle a tirées de la crise du coronavirus. A commencer par la fait que la crise a mis au grand jour l’inefficacité de la structure de l’Etat belge. "Dans une crise de cette ampleur, il n’est tout simplement pas possible d’agir sans retard et de façon cohérente dans le contexte actuel de fragmentation des compétences". De Block expliquait avoir perdu, au début de la crise, "des heures et des heures à expliquer à chacun ce qu’il ou elle pouvait et devait faire".
"Les entités fédérées ont elles-mêmes demandé à divers moments au gouvernement fédéral de reprendre leurs compétences sur certains points. Cela doit nous faire réfléchir. Une unité de commandement et une rapidité de décision sont d’une importance cruciale dans une crise de cette envergure. Nous devons réfléchir à établir une hiérarchie pour des circonstances comme celles que nous vivons actuellement", concluait Maggie De Block.