Jasper Jacobs/Belga

L’idée d’un passeport sanitaire inquiète des experts

Faut-il introduire en Belgique un passeport de vaccination contre le coronavirus, à l’image de ce que le Danemark a lancé, en tant que l’un des pays pionniers dans ce domaine en Europe ? Un passeport qui permettrait aux personnes vaccinées et à celles testées négatif de bénéficier d’un accès plus aisé au café ou au cinéma, voire même chez le coiffeur ou pour voyager. Certains responsables politiques se montrent enthousiastes et le ministre flamand de la Santé, Wouter Beke, annonce que son gouvernement envisage d’introduire pareil système. Mais divers juristes et Unia, le Centre interfédéral pour l'égalité des chances, se montrent inquiets. "C’est en contradiction avec la loi anti-discrimination".

to)C’est le ministre-président bruxellois Rudi Vervoort (PS) qui avait lancé dimanche l’idée d’un passeport sanitaire en Belgique. Un passeport qui atteste d’une vaccination contre le coronavirus ou d’un test négatif récent, voire même une application pour smartphone, qui permette aux citoyens de prouver qu’ils sont vaccinés. Cela leur donnerait droit à aller chez le coiffeur ou au restaurant, par exemple.

Les Danois ne sont d’ailleurs pas les seuls à avoir lancé pareil passeport sanitaire. En Allemagne aussi on prépare une mesure qui donnera dès le week-end prochain davantage de possibilités aux citoyens vaccinés. En Belgique, il n’y a pas que Rudi Vervoort qui est tenté par la formule. Le cabinet du ministre flamand de la Santé et du Bien-être, Wouter Beke (photo), se dit aussi enthousiaste. Tout en soulignant que pareil passeport ne pourrait être introduit que quand tous les citoyens auront eu l’opportunité de se faire vacciner. Et il faut une mesure alternative pour les personnes qui ne pourront recevoir un vaccin, pour des raisons médicales ou sociales, notamment.

Le commissaire corona, Pedro Facon, s’est aussi dit en faveur de pareil passeport, via le réseau social Twitter. Mais les experts en matière de non-discrimination tirent la sonnette d’alarme.

Quel est le problème ?

Peut-on refuser à quelqu’un l’accès aux transports en commun, à un café ou restaurant, dans un cinéma si cette personne n’est pas vaccinée ? Unia, le Centre interfédéral pour l’égalité des chances, estime que c’est discriminatoire, dans un avis envoyé aux autorités du pays.

Faute de texte de loi autorisant ce type de pratiques, et au stade actuel des connaissances, il n'est pas possible d'utiliser l'état vaccinal pour autoriser, conditionner ou refuser l'accès à un service, indique le Centre. Cela peut d'ailleurs s'avérer problématique en fonction de l'importance du service sollicité, de la protection de la vie privée de cette personne et des raisons pour lesquelles cette personne n'est pas vaccinée. Certains groupes de personnes ne seront pas vaccinés, non par choix, mais en raison de leurs conditions ou situation de vie, de leurs convictions ou pour des raisons médicales, rappelle Unia.

Le Centre souligne l'importance de cette question pour l'accès à certains lieux ou services (hôpitaux, cafés, restaurants, cinémas, théâtres, musées, transports, salles de sport, etc.), la participation à certaines activités (stages, formations, manifestations, camps de vacances, clubs sportifs, bénévolat, etc.) ou un retour à l'école en présentiel. Le but pourrait être aussi la protection des employés et de la clientèle-patientèle, mais il n'y a pas à ce jour de cadre légal encadrant ces initiatives. Par ailleurs, fait observer Unia, de grandes difficultés sont à prévoir pour pouvoir prouver que la non-vaccination ne relève pas d'un libre choix mais d'une situation non choisie, comme un handicap, le sans-abrisme, l’absence de titre de séjour, notamment.

Obliger la vaccination ?

Et si le gouvernement voulait tout de même introduire un passeport sanitaire ? "Les objections constitutionnelles demeureront, et l’on peut se poser beaucoup de questions sur la protection de la vie privée", précisait Dominique De Meyst, experte en discrimination, ce mardi sur les ondes de Radio 1.

"Juridiquement, il me semblerait alors plus correct de rendre la vaccination contre le Covid-19 obligatoire. Il faudra aussi introduire un nouveau cadre législatif, car les gérants de cafés ou de cinémas, par exemple, ne peuvent actuellement décider de leur propre initiative de refuser quelqu’un qui n’est pas vacciné", concluait Dominique De Meyst.

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