Train World ouvre ses portes au mythe de l’Orient-Express
De tous les trains évoqués dans le cadre du festival bisannuel Europalia - consacré cette 27e édition aux trains et leurs voies ("Trains & Tracks") à l’occasion de l’Année européenne du Rail - l’Orient-Express suscite sans aucun doute le plus de curiosité et de rêve. Une aventure qui débuta en 1883 avec la liaison Paris-Constantinople. A l’origine de cette liaison ferroviaire expresse de luxe, la Compagnie Internationale des Wagons-Lits fondée en 1876 par l’industriel liégeois Georges Nagelmackers. C’est le musée de la SNCB Train World, installé à Schaerbeek, qui accueille jusqu’au 17 avril 2022 l’exposition "Orient-Express". On peut notamment y monter à bord de deux wagons mythiques : la voiture-restaurant 2979, dite Riviera, datant de 1927, et la voiture salon Pullman 4148 construite en 1929. Utilisée pour le film "Le crime de l’Orient-Express" d’après le roman d’Agatha Christie, elle fait la synthèse entre la réalité et le mythe qui entoure ce train rapide de luxe.
Dans l’ancienne salle des guichets de la gare de Schaerbeek, la visite s’ouvre sur Constantinople, aux portes de l’Orient, évoquée en images, modèles réduits de trains et films comme une destination d’aventure exotique dont rêvaient les voyageurs fortunés du 19e siècle. Le premier Orient-Express relia d’ailleurs en 1883 Paris à l’actuel Istanbul, en 63 heures de voyage.
On monte ensuite dans le bureau reconstitué de l’ingénieur belge Georges Nagelmackers, fondateur de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits (CIWL), qui s’inspira des trains-couchettes de George Pullman qu’il avait découverts aux Etats-Unis pour lancer le concept de l’Orient-Express (photo). Le Liégeois mit dix ans à convaincre les gouvernements européens de l’intérêt d’un train rapide traversant l’Europe, alors que cette dernière était divisée par les nationalismes et échauffée par les visées impérialistes. Une prouesse diplomatique, avec le soutien du roi Léopold II.
Dans le grand hall de Train World qui accueille les premières locomotives de l’histoire belge du chemin de fer, on découvre toutes les facettes de l’Orient-Express - une des lignes de la CIWL - et son évolution au fil du temps. A la première ligne Orient-Express vint s’ajouter, après la Première Guerre mondiale, le Simplon-Orient-Express, puis l’Arlberg Orient-Express. Une carte monumentale représente ces différentes lignes, à côté de leurs plans de route qui énumèrent des villes qui font rêver - Paris, Munich, Vienne, Budapest, Belgrade, Sofia, Constantinople - et de belles affiches publicitaires de la fin du 19e siècle.
Un billet pour le train express de luxe était valable 60 jours, afin de permettre aux voyageurs de faire des escales et aux hommes d’affaires de chercher de nouveaux marchés. Après la Grande Guerre, les prix se sont progressivement démocratisés - le tourisme de masse prend vie - même si, à l’heure actuelle encore, ils ne restent abordables qu’à un public assez restreint.
L’exposition dévoile aussi les coulisses du train rapide de luxe : les képis et livrées du conducteur des wagons-lits, ses instructions au personnel, les menus somptueux proposés par de grands chefs aux voyageurs qui avaient des heures devant eux pour manger. Vaisselle, couverts et verres de cristal étaient commandés à des maisons européennes de renom. Le service hors des voitures est également évoqué avec des blanchisseries installées notamment à Ostende, Vienne et Milan.
On découvre les paysages contrastés traversés par l’Orient-Express au long de son périple, mais aussi la technologie développée par la Compagnie Internationale des Wagons-Lits pour rendre le voyage le plus confortable possible. Le bogie - un chariot placé sous les voitures - permettait ainsi d’atténuer les secousses du train pour que les voyageurs puissent manger et dormir plus tranquillement. Le grand défi de la fin du 19e siècle fut de construire un train qui puisse passer par tous les gabarits de voies dans les divers pays situés sur son itinéraire. La CIWL avait donc ses propres ateliers : le premier vit le jour en 1881 à Saint-Ouen en France, le dernier en 1998 à Ostende, en Flandre occidentale. Les wagons étaient construits à Nivelles en Brabant, et surtout en France. Une locomotive nationale reprenait la tête du convoi à chaque passage de frontière.
Deux voitures historiques arrivées à Bruxelles en train
Une section de la collection permanente du Train World est consacrée à l’Orient-Express et ses voitures de luxe décorées notamment de la marqueterie raffinée Art Déco de René Prou et de verres Lalique. On y découvre la voiture royale de Léopold II et Albert Ier, datant de 1901, réalisée dans les ateliers de la CIWL, mais aussi le clou de l’exposition Europalia: deux voitures originales de l’Orient-Express qui permettent aux visiteurs de respirer l’ambiance du train mythique.
Prêtées par le Fonds de dotation Orient Express, elles ont été amenées via le rail, en convoi spécial, à la gare de Schaerbeek (voir ci-dessous le montage sur l’exposition réalisé par Train World). Rachetées en 2011 par la SNCF à la CIWL et ensuite restaurées, ces deux voitures ont été construites à la fin des années 1920. Elles symbolisent la période la plus faste des Wagons-Lits où les voitures métalliques de couleur bleu nuit étaient rehaussées de filets de laiton doré.
Les visiteurs peuvent traverser la voiture-restaurant 2979, dite Riviera (photo ci-dessus), aux teintes rouges et une ambiance feutrée qui faisait partie du Simplon Orient-Express qui ralliait Istanbul en passant par Milan et Venise. La décoration de René Prou comprend des panneaux en bois d’acajou, de rose et d’ébène. Sur les tables, on retrouve les passe-temps d’un long voyage : des jeux de société, des livres et magasines, boissons fortes et tabac - comme si les riches voyageurs venaient tout juste de quitter précipitamment le train.
La deuxième voiture est la 4148 de type Pullman (photo ci-dessous) qui faisait partie du train Côte d’Azur Pullman Express assurant la liaison entre Paris et Vintimille. Une voiture-salon avec un espace bar et de gros fauteuils confortables trônant dans un décor en bois d’acajou et de bouleau de Finlande. A ses côtés, on retrouve aussi plusieurs locomotives historiques à vapeur qui tiraient les trains de luxe lorsqu’ils passaient en Belgique : la type 10 datant de 1913 et la type 7 de 1922, notamment.
La naissance d’un mythe
L’Orient-Express doit une partie de sa notoriété et du mythe qui l’entoure aux personnalités connues qui l’ont emprunté, comme les écrivains Graham Greene et Agatha Christie, la danseuse et chanteuse Joséphine Baker, le physicien Albert Einstein, l’actrice Marlène Dietrich ou le roi Ferdinand de Bulgarie. Mais aussi aux romans dont une partie de l’intrigue s’y déroule - à commencer par "Le crime de l’Orient-Express" d’Agatha Christie - et aux films qui y ont été tournés, comme les diverses versions du "Crime de l’Orient-Express" ou "Bons baisers de Russie".
L’exposition se termine par des affiches et bobines de cinéma évoquant ces films, et des citations littéraires d’auteurs fascinés par l’Orient-Express. Elle propose également des conférences, des balades littéraires, des activités pour les familles et des stages pour enfants.
"Orient-Express, mythique, luxueux, belge !" est à voir jusqu’au 17 avril 2022 au Musée Train World, Place Princesse Elisabeth 5 à 1030 Bruxelles. Tous les détails sont à consulter via les sites www.trainworld.be et www.europalia.eu.