Le roi Philippe et la reine Mathilde en visite officielle en RDC début mars
Cette visite, à l'invitation du président Félix Tshisekedi, se déroulera du dimanche 6 mars au jeudi 10 mars. Les souverains seront accompagnés d’une grande délégation gouvernementale composée du Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD), de la ministre des Affaires étrangères Sophie Wilmès (MR) et de la ministre de la Coopération au développement Meryame Kitir (Vooruit). On ignore encore le programme de la visite, on sait simplement que la délégation belge se rendra à Kinshasa et à Kisangani, dans la province de la Tshopo.
Il y a douze ans, le roi Albert et la reine Paola s’étaient rendus à Kinshasa pour les célébrations des 50 ans d'indépendance du Congo. Le président Joseph Kabila était alors président. Ce fut une visite teintée de nostalgie et les sujets sensibles n’avaient pas été abordés. Le roi Albert lui-même n'avait fait aucune déclaration au cours de ce voyage.
Le passé colonial de la Belgique avait été à peine évoqué. L'accent avait été mis sur l'avenir et les réalisations de notre pays. Lors de la réception à l'ambassade de Belgique, le roi s'était entretenu avec des hommes d'affaires, des enseignants et des missionnaires belges qui ont vécu toute leur vie au Congo. Une mission scientifique conjointe sur le fleuve Congo devait mettre en lumière la nouvelle coopération.
Nouvelle mentalité
Au cours des 12 années qui ont suivi, la prise de conscience du passé colonial s'est accrue et plusieurs tabous ont été levés. Comme les statues du roi "colonial" Léopold II, sous le règne duquel de graves atrocités ont été commises de 1885 à 1908, durant la période de l'État indépendant du Congo.
La jeunesse belge d’origine congolaise est partie à la recherche de son identité et de ses origines. Ces jeunes ont découvert que leurs grands-parents avaient été bien moins bien traités que ce que leurs parents leur avaient raconté. Ils ont également découvert que les clichés racistes auxquels ils doivent eux-mêmes faire face aujourd'hui sont issus du discours civilisateur discriminatoire du colonialisme.
La prise de conscience du passé colonial a également fait remonter à la surface un autre fait délicat : l'assassinat du premier Premier ministre congolais Patrice Lumumba. Lumumba avait été assassiné en 1961, par des rebelles katangais et des mercenaires belges. Un gendarme, Gérard Soete, avait conservé sa dent en or comme souvenir après la disparition du corps de Lumumba. La famille de Lumumba a écrit une lettre au roi Philippe l'année dernière pour demander le retour de la dépouille de leur père. Entre-temps, le tribunal belge a confisqué la dent.
En 2018, le Musée de l'Afrique rénové a été ouvert, avec une plus grande attention portée aux excès du colonialisme. La relation avec le Congo, qui a toujours été mouvementée sous l'ère Kabila, a pris un nouveau départ avec l'arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi début 2019. Tshisekedi a déjà effectué une visite dans notre pays à l'automne 2019.
2020 : le roi Philippe exprime ses "profonds regrets"
En 2020, à l'occasion de la commémoration des 60 ans du Congo, le roi Philippe exprime pour la première fois ses "profonds regrets" pour les blessures du passé dans une lettre au président Félix Tshisekedi. Ce faisant, Philippe est le premier roi à s'exprimer sur le Congo.
Fait remarquable, le Roi a non seulement fait référence à la "violence et aux atrocités de l'État indépendant du Congo", sous Léopold II, mais aussi aux souffrances "pendant la période coloniale qui a suivi". Le roi Philippe a ajouté que "ces blessures sont encore douloureusement ressenties aujourd'hui par des actes de discrimination qui sont encore trop fortement présents dans notre société".
Une commission sur la mémoire coloniale
Deux semaines avant l'expression des regrets, le Parlement fédéral avait déjà décidé qu'une commission parlementaire devait se pencher sur le passé colonial de la Belgique.
Cette commission a entre-temps présenté son rapport et travaille actuellement sur des dossiers délicats tels que les actes de naissance des métis et la restitution d'objets d'art historiques. Des négociations ont également été entamées sur ces questions.
Demain, jeudi, le Premier ministre congolais Sama Lukondo visitera l'AfricaMuseum de de Tervueren, en compagnie du secrétaire d'État à la politique scientifique Thomas Dermine (PS). Ce dernier s'est déjà rendu à Kinshasa en novembre dernier pour plaider en faveur d'une "restauration" de l'identité culturelle du peuple congolais, plutôt que d'une "restitution".
Peut-être qu'au cours des prochaines heures et des prochains jours, on en saura plus sur le contenu de la nouvelle visite royale. Ce qui est certain, c'est que le roi Philippe, surtout après sa lettre dans laquelle il exprime ses "profonds regrets", ne pourra plus se taire comme l'avait fait son père Albert en son temps.
