Menace nucléaire: Poutine peut-il appuyer seul sur le bouton ? Et y a-t-il une chance que ces armes soient utilisées ?

Le président russe Vladimir Poutine a annoncé ce week-end qu'il mettait les forces de dissuasion nucléaire en état d'alerte. Mais qu'est-ce que cela signifie ? Y a-t-il une chance que des armes nucléaires soient effectivement utilisées ? Combien d'armes nucléaires possède Poutine ? Et qui est-ce qui peut encore arrêter le maître du Kremlin ? Le journaliste de la VRT Jan Balliauw, expert de la Russie, analyse les derniers développements de l’invasion russe en Ukraine. 

Les sanctions économiques contre la Russie sont loin de plaire au président russe. Vladimir Poutine estime en outre que différents États membres de l'OTAN ont fait des déclarations "agressives". Ce week-end, il a dans ce cadre ordonné à l'armée russe la mise en alerte de la force de dissuasion russe, en ce compris les armes nucléaires.

Quelles sont les intentions de Poutine ?

D’après Jan Balliaw, Vladimir Poutine tient à travers cette démarche à rappeler que la Russie est encore et toujours une puissance nucléaire. " Il le fait aussi parce que la Russie est vulnérable pour le moment. Une grande partie de l'armée du pays se trouve en Ukraine ou aux alentours", souligne le journaliste. "Mais il s'agit surtout d'un avertissement destiné à tous : ne vous lancez pas dans une aventure. Poutine veut ainsi mettre la pression sur l'Occident. La Russie répondra et, si nécessaire, d'une manière dont personne ne s'attendait."

Selon Jan Balliauw, un autre facteur qui a mené le maître du Kremlin à lancer cette menace réside dans les sanctions contre la Russie, qui vont plus loin que prévu. "La Russie est vraiment isolée du monde extérieur. L'espace aérien est fermé dans plusieurs pays, mais j'ai également lu des informations selon lesquelles les ports européens envisagent de ne plus accepter de navires russes. Je ne pense pas que les gens s'attendaient à ce que ça aille aussi loin."

"Deuxièmement, sur le terrain ukrainien, les choses ne se passent pas comme prévu. Tout le monde s'attendait à ce que les Ukrainiens offrent une résistance, mais qu'elle soit rapidement brisée par la supériorité de l'armée russe. Cela ne semble cependant pas être le cas", relève le journaliste de la VRT. "De plus en plus d'images de lourdes pertes russes sont publiées : des véhicules blindés, mais aussi des soldats tués. A un certain moment, ça commence à peser. La Russie a déjà déployé les deux tiers de ses capacités en Ukraine. La question est de savoir jusqu'où la Russie veut aller pour briser la résistance ukrainienne".

Quelle est la taille de l'arsenal nucléaire russe ?

La Russie possède 6.000 armes nucléaires. "C'est le plus grand arsenal nucléaire au monde", rappelle Tom Sauer, professeur de politique internationale (UAntwerpen), au micro de Radio 1 (VRT). "Ces armes nucléaires sont placées sur des missiles balistiques intercontinentaux, qui peuvent être tirés vers l'Amérique."

"Mais la Russie dispose également de missiles de moyenne portée qui peuvent viser l'Europe. Il existe également des systèmes similaires sur les sous-marins. Il y a par ailleurs des bombardiers. Cet arsenal comprend également quelque 2.000 armes nucléaires tactiques, qui sont en fait destinées à être utilisées sur le terrain", précise le professeur de l’Université d’Anvers.

Y a-t-il une chance que des armes nucléaires soient effectivement tirées ?

"Je ne pense pas que quiconque se mettra en tête de déployer effectivement des armes nucléaires, en ce y compris Poutine", estime Jan Balliauw. "Mais le problème est bien sûr que les tensions augmentent énormément à la suite de telles déclarations. Il faut maintenant éviter tout risque de malentendu."

"La situation est extrêmement inquiétante", estime de son côté le professeur Tom Sauer. "Une telle menace ne se produit pas souvent. Ce qui arrive encore moins souvent, c'est que ces armes soient placées en état d'alerte. La dernière fois que cela s'est produit, à ma connaissance, c'était pendant la guerre du Yom Kippour en 1972. C'était donc il y a 49 ans."

"Si l'Occident devait imposer de nouvelles sanctions et fournir des armes à l'Ukraine, la question est de savoir comment Poutine interprétera cela", poursuit Tom Sauer. "Dans le pire des cas, il pourrait effectivement déployer une arme nucléaire tactique si nécessaire, là encore comme un signal. La doctrine officielle de la Russie au début des années 2000 a suivi ce principe. C'est-à-dire escalader la situation pour la désescalader, dans l'espoir de reprendre le dessus. Je ne pense pas que cela ira aussi loin, mais nous ne devons pas ignorer tous les signaux venant de Russie. La meilleure chose à faire est de s'asseoir avec lui autour de la table".

Pour le journaliste de la VRT Jan Balliauw, la communication reste effectivement très importante. "C'est une situation dangereuse et il faut garder des contacts dans les coulisses pour éviter que quelque chose d'improbable ne se produise. J'espère que le contact entre le chef d'état-major russe et le chef d'état-major américain est toujours là et qu'ils pourront apaiser le conflit très rapidement, afin d'éviter le scénario du pire."

Poutine peut-il décider seul d'appuyer sur le "bouton rouge" ?

"Il existe un coffre nucléaire avec les codes pour donner l'ordre de déployer des armes nucléaires. Mais cette action est normalement aussi entre les mains du ministre de la Défense. Lui et Poutine devraient tous deux entrer les codes", explique Jan Balliauw.

Reste à voir si le ministre russe de la Défense soutient toujours pleinement Poutine. "Quand j'ai vu l'expression de son visage au moment où Vladimir Poutine a fait son annonce, il m’a semblé clair que le ministre n'était pas tout à fait heureux ", remarque le journaliste. "Mais Vladimir Poutine reste commandant en chef, donc en principe ce ministre doit exécuter ce qui est ordonné".

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