Les réfugiés ukrainiens recevront un an d’accueil dans l’Union européenne
Les ministres de l'Intérieur de l'Union européenne se sont accordés à l'unanimité, jeudi en soirée à Bruxelles, pour octroyer un statut inédit de protection temporaire quasi automatique aux personnes qui fuient la guerre en Ukraine, à quelques exceptions près. C’est ce qu’a annoncé le Secrétaire d’Etat belge à l’Asile et la Migration Sammy Mahdi, en qualifiant l’accord d’"historique".
"La décision prise par l'Union européenne est sans précédent. Elle fournira une protection à des millions de personnes déplacées", a déclaré la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson. Un million de personnes ont déjà fui l'Ukraine depuis l'invasion russe du 24 février, principalement en direction de la Pologne, mais aussi vers la Slovaquie, la Hongrie et la Roumanie.
Vu l'urgence humanitaire, les ministres avaient donné dès dimanche mandat à la Commission européenne pour faire rapidement une proposition visant à activer un régime spécial, jamais encore utilisé depuis son instauration il y a vingt ans. Ce régime prévoit, en cas d'afflux massif, d'octroyer très rapidement une protection temporaire d'un an, prolongeable jusqu'à trois ans (par tranches de 6 mois), aux personnes fuyant l'Ukraine, avec permis de séjour, accès au marché du travail et à l'éducation, notamment. Jusqu'à présent, les détenteurs d'un passeport ukrainien ne pouvaient rester que 90 jours sans visa dans l'Union européenne.
La Commission a dévoilé mercredi les détails de sa proposition. Elle ne comprend pas - sujet très sensible - de mécanisme de répartition obligatoire entre États membres, car il est attendu que de nombreux Ukrainiens arrivant dans l'UE se répartissent d'eux-mêmes sur le territoire, en rejoignant par exemple de la famille et des communautés déjà installées. Mais la proposition part d'un esprit d'"équilibre des efforts" entre États membres, et prévoit notamment que chaque capitale communique ses capacités estimées d'accueil et le nombre de personnes déjà reçues, et collabore avec la Commission et les autres États via une "plateforme de solidarité" où ces informations et les demandes d'aide s'échangeraient.
La commissaire Ylva Johansson a souligné le caractère solidaire de la décision de ce jeudi et la rapidité de réaction de l'UE. La protection temporaire entre en vigueur pour tous les réfugiés d'Ukraine arrivés dans l'UE à partir du 24 février, mais les États membres sont libres d'y inclure aussi ceux déjà présents sur leur territoire avant le début de l'invasion russe, a précisé la commissaire suédoise. Le dispositif s'appliquera à l'ensemble des ressortissants ukrainiens et à leurs familles, aux bénéficiaires de la protection internationale (les réfugiés déjà reconnus en Ukraine), ainsi qu'aux ressortissants des pays tiers résidents de longue durée en Ukraine.
Pour cette dernière catégorie toutefois, les États membres pourront appliquer une législation nationale prise spécifiquement. Les ressortissants de pays tiers qui ne résident pas en Ukraine de longue date, ainsi que les étudiants de pays tiers, ne seront pas couverts par la protection temporaire. Ils sont "très bienvenus" dans l'UE et seront aidés à leur arrivée (hébergement, nourriture, soins), jusqu'à ce que des vols soient affrétés pour les ramener dans leur pays d'origine si ce pays est sécurisé, a indiqué la commissaire Johansson, interrogée sur ce point qui a fait débat entre les Vingt-sept.
Au parlement européen, les Verts/ALE ont en effet salué l'accord mais dénoncé les exceptions, porteuses de discriminations potentielles. "Même pour les ressortissants de pays tiers couverts, les États membres pourront appliquer un statut national, plutôt que le statut européen, ce qui entraîne des droits et une protection variables", indiquent les écologistes, rappelant les récents cas de discriminations et de refoulements à l'encontre d'exilés d'origine africaine.
Le Secrétaire d'État belge à l'Asile et la Migration, Sammy Mahdi (CD&V), s'est en revanche réjoui du résultat atteint si rapidement. "Nous avons travaillé ces derniers jours à une vitesse jusqu'ici jugée impossible au niveau européen". Pour expliquer le traitement de faveur des réfugiés de la guerre en Ukraine par rapport à ceux ayant fui d'autres guerres, il souligne la proximité géographique, puisque l'UE préconise l'accueil des réfugiés dans les pays de la région du pays en guerre.
"Tout comme la Turquie a créé à l'époque un statut spécial pour les Syriens, nous le faisons maintenant pour l'un des pays limitrophes de l'Union. A peine deux pays séparent la Belgique de l'Ukraine. Aujourd'hui, la région, c'est nous", s’écriait Mahdi (photo).