Les élections présidentielles en France sont-elles le prélude du prochain scrutin en Belgique ?
"Quand il pleut à Paris, il bruine à Bruxelles", dit le dicton populaire. Mais dans chaque dicton, il y a un fond de vérité. Le journaliste politique de la VRT Ivan De Vadder voit dans les élections présidentielles françaises une possible préfiguration de ce qui pourrait se passer chez nous lors du prochain scrutin, alors que l’extrême droite et l’extrême gauche de l'échiquier politique – à savoir, en Flandre, le Vlaams Belang et le PVDA - continuent d’engranger de plus en plus de voix et que les partis du centre continuent de s'effacer.
Emmanuel Macron, le président sortant a été reconduit à la présidence de la France avec plus de 58,5%. Ce n'est peut-être pas une grande surprise, mais il est frappant de constater à quel point ces élections ont également été suivies avec suspense en Flandre.
Cette attention portée aux élections françaises est principalement liée à la forte position de deux partis extrêmes chez nos voisins de l’hexagone. Au premier tour, le parti d'extrême gauche "La France Insoumise", de Jean-Luc Mélanchon - comparable au PVDA-PTB dans notre pays - a obtenu la 3e place au premier tour avec 21,95 %.
Et la campagne très médiatique de Marine Le Pen, qui est finalement devenue challenger du président sortant Emmanuel Macron, a naturellement attiré beaucoup d'attention chez nous. Le Pen, avec son "Rassemblement National", est lié au Vlaams Belang et fait donc écho à ce qui se passe chez nous.
On nous a montré, en quelque sorte, une préfiguration de ce qui pourrait arriver ici, avec une nouvelle montée des partis extrêmes. Cette hausse est logiquement aussi liée à l'implosion des partis du centre, et en France, cette élection a franchi un cap.
La fin des partis du centre ?
En France, le parti socialiste ne représente plus que 1,5% des voix et les libéraux de centre-droit Les Républicains n'atteignent plus les 5%. L'électorat français s'est donc déplacé vers les extrêmes, et en Flandre les partis flamands du centre à savoir le CD&V et l’Open VLD l’ont bien noté.
Ici, les partis du centre obtiennent encore environ 10 % dans les sondages, mais là aussi, le mouvement de baisse est amorcé depuis longtemps. Dans un passé lointain, lorsque les démocrates-chrétiens flamands se qualifiaient encore de parti du peuple, ils obtenaient des scores élevés. L'actuel CD&V est nostalgique de cette époque, et lors d'un congrès samedi dernier, il s'est approprié un nouveau slogan : "Du et pour le peuple". Le caractère du logo du CD&V, a également été rafraîchi.
Le CD&V espère, comme d’autres partis avant lui, que des nouveaux slogans et des symboles rafraîchis feront revenir les électeurs. Un nouveau président qui communique mieux pourrait aussi y contribuer, murmure-t-on dans les couloirs du parti.
Il semble que le CD&V veuille accélérer ses élections présidentielles, avant la date prévue de décembre, et qu'il souhaite un candidat de consensus, pour éviter une lutte interne. Cependant, il n'y a toujours pas de consensus sur le nom de ce candidat de consensus, et donc par définition il y a une lutte interne.
L'Open VLD a également tenu un congrès le week-end dernier, avec la même intention que le CD&V. Rafraîchir le contenu devrait faire revenir l'électeur. Les libéraux flamands ne doivent plus chercher leur figure de consensus : personne ne conteste la position du Premier ministre Alexander De Croo, même s'il ne ramène pas les électeurs au parti pour le moment.
Le Premier ministre De Croo a ensuite lancé le nouveau slogan officieux des libéraux - "radicalement au centre" - tandis que les membres approuvaient des propositions visant, entre autres, à réduire le nombre de communes flamandes de 300 à 100 par le biais de fusions. Et donc, ici aussi, la question se pose : cela va-t-il faire revenir les électeurs ?
Redistribution politique
Et ainsi, la discussion sur une redistribution politique recommence. Pour l'instant, il y a peu de propositions concrètes de fusion de partis, si ce n'est que l'Open VLD et le CD&V ont l'intention de travailler ensemble sur des questions spécifiques.
Le président de la N-VA, Bart De Wever, a fait savoir dans l’émission "De Afspraak op Vrijdag" (VRT), qu'il suivait d'un œil attentif cette évolution au sein des partis du centre. Il a littéralement déclaré qu'après les élections de 2024, il espérait pouvoir récolter et rassembler les électeurs de ces deux partis en un grand parti du centre. Le scrutin de 2024 montrera si l'électeur flamand suivra le chemin de l'électeur français qui a déjà déclaré ses partis du centre moribonds.
Cordon sanitaire médiatique ?
Entre-temps, les élections françaises ont également bouleversé la politique francophone. Le président du MR Georges-Louis Bouchez s'est retrouvé dans une tempête politique parce que, dans une copie du débat présidentiel français, il a accepté de débattre avec Tom van Grieken, le président du parti d’extrême droite flamand Vlaams Belang dans l’émission "Terzake" (VRT).
Un geste audacieux de la part de Georges-Louis Bouchez, qui est non rappelé à l'ordre par ses collègues de parti - "le président a une fois de plus joué cavalier seul dans une affaire aussi sensible" - mais aussi par tous les membres de la coalition gouvernementale, qui ont immédiatement exigé que le MR respecte le cordon sanitaire médiatique.
En Belgique francophone, ce cordon sanitaire comprend également l'interdiction de débattre avec un parti d'extrême droite. Et comme les autres partis ont menacé d'un changement de coalition au sein du gouvernement wallon, le MR a déjà commencé à adopter un profil bas.
Ainsi, en Belgique francophone, les partis et la presse se disent choqués par le débat entre Georges-Louis Bouchez et Tom Van Grieken à la VRT alors que des milliers de francophones ont regardé le débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen sans aucun problème à la télé française, et que tous les journaux francophones ont rempli leurs pages avec la couverture de ce débat. Il semble que l’on ait parfois deux poids deux mesures, de l'autre côté de la frontière linguistique.