Frédéric Van Leeuw : "Par manque de personnel on est obligé de laisser tomber certains dossiers criminels"

Des affaires criminelles graves sont parfois classées sans suite à l'heure actuelle car il n'y a pas assez de personnel pour enquêter sur toutes les affaires. C'est ce qu'écrit De Standaard et a été confirmé, ce jeudi matin par le procureur fédéral Frédéric Van Leeuw dans "De ochtend" sur Radio 1. La police et la justice se plaignent depuis longtemps du manque de personnel, et l'affaire SKY ECC n'a fait qu’empirer les choses.

Des représentants du ministère public et de la police judiciaire fédérale se sont exprimés à tour de rôle mercredi devant les commissions de l'Intérieur et de la Justice de la Chambre pour tirer la sonnette d'alarme devant l'état de la "PJF" et son manque de moyens. Ils y ont présenté des photos choquantes tirées de dossiers judiciaires. Des photos d'un pied ou d'une tête coupés, d'un corps mutilé. Avec comme but de donner aux députés une idée du matériel que les enquêteurs reçoivent parfois, mais qu'ils ne peuvent pas toujours examiner faute de temps.

"Parfois, les images en disent plus long que les chiffres", a déclaré le procureur fédéral Frédéric Van Leeuw dans "De ochtend", sur Radio 1. "C'est pourquoi nous avions décidé conjointement de montrer ces images, afin que le monde politique se rende compte de la gravité des affaires que nous traitons."

La situation est pénible, en principe des affaires sont prioritaires lorsque des vies sont en danger, mais cela n'est plus toujours possible. "Nous devons faire des choix, je dois abandonner des dossiers. À Bruxelles, par exemple, je n'ai plus les moyens d'enquêter dans un dossier sur un trafic d'armes", explique Frédéric Van Leeuw.
 

Le gigantesque dossier Sky ECC

Son parquet doit faire face au gigantesque dossier Sky ECC, du nom d'un système crypté utilisé par les trafiquants de drogue, qui représente 459 dossiers, 4.481 suspects, 9 magistrats disponibles 24h/24 et 1.000 ETP utilisés en un an. Or, les moyens policiers manquent. Les autorités judiciaires ont pu pénétrer dans les téléphones cryptés et ainsi lire des millions de messages provenant de bandes criminelles. Cela a donné lieu à des centaines de nouveaux dossiers, entre autres sur la grande criminalité dans le monde de la drogue. Mais tous ces nouveaux dossiers doivent être instruits, or ces dernières années, le monde judiciaire a dû se contenter de moins d’enquêteurs.

"Sky ECC change complètement la donne. Nous avons une énorme quantité de preuves, un milliard d'enregistrements de communications. En un an, 1 000 personnes à temps plein y ont travaillé sur un total de 2 000 enquêteurs de la police judiciaire fédérale. C'est un énorme investissement. Mais il y a aussi d'autres dossiers que nous devons continuer à traiter, comme la traite des êtres humains ou la criminalité financière, et nous devons donc faire des choix et parfois laisser tomber certains dossiers."

Vers une nouvelle réforme ?

Mais selon Frédéric Van Leeuw, il y a plus que cela. Le fonctionnement du monde judiciaire a été réformé en 2014 mais il ne semble plus être adapté aux besoins actuels. "Depuis 2014, il n'y a pas de service central qui puisse donner une image de la criminalité, qui cartographie certains phénomènes. Il s'agit par exemple de l'influence des gangs de motards sur notre territoire ou du problème de la drogue ou de la corruption", dit-il. "Or, si nous n'avons pas cette image, nous risquons de faire les mauvais choix pour la politique que nous menons."

Selon Van Leeuw, le cadre de la police judiciaire fédérale n'a pas évolué depuis cette réforme. Mais entre-temps, la population a augmenté et il existe d'autres phénomènes criminels qui nécessitent une approche différente, par exemple des compétences plus techniques qui étaient moins nécessaires auparavant.
 

Les investissements prévus ne suffisent pas

Le ministre de la justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD) et la ministre de l'intérieur Annelies Verlinden (CD&V) ont annoncé des investissements, mais selon les hauts responsables de la police et de la justice, il en faut plus et c'est la raison pour laquelle ils tirent la sonnette d'alarme. Frédéric Van Leeuw : "Vous ne pouvez pas répondre à ce problème par une simple comptabilité. 95 nouveaux enquêteurs ne remplacent pas 90 enquêteurs expérimentés. Il faut en faire plus."

Ils souhaitent que le travail soit rendu plus attrayant, par exemple en offrant de meilleures possibilités de promotion. Et ils demandent un budget de 35 à 55 millions d'euros par an pour la police judiciaire fédérale. " Sur un budget d'un milliard d'euros pour la police fédérale, nous ne demandons pas grand-chose ", conclut Frédéric Van Leeuw.
 

Les plus consultés