Ivan De Vadder : “Le confédéralisme de manière extralégale? Une tentative désespérée de Bart De Wever"
Au cours d’un débat mené fin janvier sur le plateau de l’émission télévisée "De Zevende Dag" (VRT), le président de la N-VA Bart De Wever (photo, au centre) estimait que pour parvenir à renforcer l’autonomie de la Flandre, pour parvenir au confédéralisme au lendemain des élections régionales et législatives de 2024, "il faudra passer par une réforme extralégale. Toutes les réformes majeures ont été introduites de manière extralégale puis légalisées", déclarait le bourgmestre d’Anvers, faisant notamment allusion à la communautarisation de l’enseignement en 1988. Comment De Wever envisage-t-il cela concrètement ? Est-ce possible ? Ecoutez ci-dessous l’analyse du journaliste politique Ivan De Vadder (VRT).
"Bart De Wever estime qu’une réforme d’Etat légale pour mener au confédéralisme n’est plus possible. C’est dû à un blocage du côté francophone, évidemment, mais aussi au fait que du côté néerlandophone il n’y a pas beaucoup de majorité à trouver. Donc De Wever veut chercher une solution extralégale", analyse Ivan De Vadder.
Ecoutez l'interview avec Ivan De Vadder:

Quoi de neuf en Flandre 4 février 23
"Tout d’abord, le président de la N-VA parle d’une solution comparable au coup de Lophem, au lendemain de la Première Guerre mondiale. Plus exactement en 1919, il y avait un accord politique entre les trois partis de l’époque et le Palais pour introduire le suffrage universel pour les hommes. Des élections seront organisées via ce suffrage universel, avant de régulariser la Constitution par un vote avec une majorité de deux tiers. On était donc sorti de la Constitution pour obtenir quelque chose, qui a été régularisé par la suite. Bart De Wever suggère que c’est peut-être une idée pour obtenir une indépendance déclarée par la Flandre".
"Deuxièmement, et c’est là qu’il fait une confusion, De Wever parle de la politique bicéphale. Dans ce cas, on a au sein du gouvernement fédéral des comités régionaux, responsables pour la politique régionale. Cela s’est produit par exemple dans les années 1970 dans le domaine de l’enseignement. Là aussi il y avait un consensus au sein du gouvernement en faveur d’une communautarisation de l’enseignement. Mais pour gagner du temps, on a installé des comités régionaux au sein du gouvernement fédéral - à savoir un ministre flamand responsable pour l’enseignement flamand et un ministre francophone responsable pour l’enseignement francophone. C’est la politique bicéphale".
Mais Bart De Wever confond les deux choses, sciemment, estime le journaliste politique, pour laisser entendre que par le passé déjà on a utilisé des solutions extralégales en Belgique et cela a presque paru normal. "Je pense qu’il se trompe, volontairement, pour donner du poids à ses arguments". Ivan De Vadder estime néanmoins qu’il s’agit d’une tentative désespérée du président de la N-VA.
"Je ne participerai pas au statu quo"
Au cours d’une interview accordée au quotidien De Tijd et sur le plateau de l’émission "De zevende dag", Bart De Wever déclarait également qu’il ne participerait à un gouvernement fédéral - après les élections générales du printemps 2024 - que s’il recevait la garantie d’une réforme fondamentale du pays. "Je ne participerai pas au statu quo, parce qu’alors l’argent flamand sera perdu", lançait De Wever.
"Ce qui est différent du passé, c’est qu’il y a maintenant une cour constitutionnelle (qui n’existait pas en 1919 lors de l’introduction du suffrage universel) qui devra juger les propos de Bart De Wever et ne les approuvera peut-être pas. Mais surtout, dans les exemples de solutions extralégales du passé cités par le président de la N-VA il y avait toujours un consensus, après négociations, entre les partis et surtout entre francophones et Flamands. Or ce que De Wever fait maintenant, c’est exactement l’inverse : sa proposition contestée de confédéralisme - qui n’obtient pas d’accord, pas de majorité, et pas beaucoup de soutien d’autres partis flamands et surtout pas francophones - il la pousse en avant. Mais il est tout seul", analyse Ivan De Vadder.
"Bart De Wever tout seul"
De Wever allait encore plus loin dans De zevende dag : "Il attaquait tous les autres partis, sans tenter de jeter des ponts pour rassembler une majorité ou un consensus derrière son projet". Ivan De Vadder juge cette attitude d’autant plus étrange que d’autres partis politiques parlent actuellement d’une plus grande autonomie pour la Flandre.
"Sammy Mahdi, le président du CD&V, déclarait ainsi au magazine Humo que si les francophones ne continuent par sur la voie d’une réforme de l’Etat, ils deviendront les fossoyeurs de la Belgique. L’Open VLD aussi plaide actuellement pour une certaine reforme de l’Etat. Donc il y a des partis néerlandophones qui sont prêts à avancer dans la direction d’une réforme de l’Etat. Mais De Wever attaque ces partis, sans chercher un soutien de leur part".
"Je reste donc sur l’image d’un Bart De Wever tout seul. Cela fait 19 ans qu’il est président de la N-VA, mais n’a pas obtenu beaucoup de choses. Il est devenu bourgmestre d’Anvers, mais n’est pas parvenu à une réforme d’Etat, ne crée pas de ponts avec d’autres partis et ne parvient pas à un consensus sur les idées qu’il propose", concluait Ivan De Vadder.