Des photos du Belge Alexander Dumarey à l'origine du pavillon bulgare pour la Biennale d'architecture de Venise
Le pavillon qui représentera la Bulgarie de mai à novembre prochains à la Biennale d’architecture de Venise, en Italie, possède une touche belge. Le projet qui a été sélectionné à l’issue d’un concours est en effet basé sur une série de photos d’écoles vides prises en Bulgarie par le photojournaliste Alexander Dumarey (photos), notre collègue à VRT NWS. Il participe depuis quelques semaines à l’élaboration finale du pavillon, qui ouvrira ses portes le 20 mai dans l’un des sites occupés par la Biennale à Venise. En collaboration avec une équipe d’architectes et de graphistes bulgares.
C’est la deuxième fois que la Bulgarie prend part à la Biennale de Venise. Le ministère de la Culture bulgare avait lancé un concours pour dénicher le projet architectural qui représentera le pays sur le thème de cette 18e exposition internationale d’architecture : "le laboratoire du futur". Parmi 34 propositions rendues, c’est le projet "Education is the Movement from Darkness to Light" (‘L’éducation est le passage de l’obscurité à la lumière’) qui a finalement été sélectionné par le ministère de la Culture.
L’architecte Boris Tikvarski et son équipe se sont notamment inspirés de photos prises dans des écoles bulgares abandonnées par le photojournaliste Alexander Dumarey (38 ans), spécialisé dans des reportages documentaires sur l’architecture et fasciné par des bâtiments vides et délabrés qui portent encore les traces d’une splendeur et d’une intense activité humaine passées. Il parcourt de nombreux pays à la recherche de ces endroits délaissés.
"Cela fait longtemps déjà que je travaille sur ce projet. Je suis donc ravi qu’il puisse atteindre un plus grand public grâce à la Biennale de Venise", expliquait Alexander Dumarey à VRT NWS. "Depuis 2016, je me suis rendu dix fois en Bulgarie pour y photographier des écoles vides. Au fur et à mesure, le projet a pris de l’ampleur parce que j’étais frappé par le nombre important d’écoles inoccupées dans ce pays. Entretemps, j’ai photographié plus de 200 écoles et pris ainsi des milliers de photos, dont une partie ont été publiées en ligne. C’est ainsi que l’architecte Boris Tikvarski les a découvertes par hasard. Peu après Noël, il m’a contacté. Et puis le projet a rapidement pris forme".
En moins d’un mois de temps, trois architectes bulgares et un graphiste ont réalisé un projet de pavillon bulgare pour la Biennale d’architecture de Venise, avec pour fil conducteur les photos d’Alexander Dumarey. Un projet osé puisqu’il montre la Bulgarie davantage comme un pays en déclin qu’un pays avec un avenir florissant. Les bancs d’écoles vides et l’absence d’élèves en sont un symbole.
"Les écoles abandonnées dépeignent de façon très directe cette régression en Bulgarie. En quinze années de temps la population y a diminué de 10%. Le taux de mortalité est élevé, celui des naissances est nettement plus bas. Et beaucoup de Bulgares quittent leur pays - le plus pauvre de l’Union européenne -, à la recherche d’un meilleur emploi. C’est osé de vouloir montrer cet aspect négatif de la Bulgarie à un événement international de prestige comme la Biennale de Venise. Bien que ce soit une réalité que le pays connait depuis longtemps. Les écoles vides sont un peu comme le canari dans la mine : elles sont le premier signe d’une disparition progressive de la population dans les villages", constate Dumarey.
Controverse
Le choix de ce projet par le ministère de la Culture n’est pas passé inaperçu dans les médias bulgares. "Je comprends cette controverse parce que les écoles abandonnées ne montrent pas la plus belle image de la Bulgarie. Mais d’autre part, notre projet raconte de façon très directe la Bulgarie contemporaine. Je pense que c’est pour cela que le jury l’a choisi, parmi tant d’autres. Normalement, les plans du pavillon sont gardés pratiquement secrets jusqu’à l’ouverture de la Biennale, mais les membres bulgares de l’équipe en ont déjà révélé de nombreux éléments, dans l’espoir de contrer la critique", estime le photographe flamand.
Maintenant que le ministère a fait son choix, l’équipe bulgare travaille d’arrache-pied à la réalisation concrète des premières esquisses. "Ma série de photos est prête, et je suivrai la recherche sur le sujet. Ce sera un exploit de parvenir à tout finaliser pour l’ouverture de la Biennale le 20 mai prochain. Le budget de l’équipe bulgare est très restreint, comparé à celui d’autres pays - environ un dixième du budget des grands pays -, et nous n’avons que trois mois et demi pour élaborer le pavillon".
"Nous avons l’intention de tout faire construire en Bulgarie, pour l’acheminer ensuite vers l’Italie. Cela sera une énorme opération logistique. Pour ma part, je me rendrai de toute façon à Venise pour voir le résultat final. Entretemps, je suivrai bien entendu la progression du projet. Je suis en tous cas incroyablement fier que mes photos seront exposées à la Biennale d’architecture de Venise", confiait encore Alexander Dumarey.