Ivan De Vadder : le fiasco de la rue des Palais "illustre l’échec de la structure complexe de notre Etat"

Mardi et mercredi, le squat de la rue des Palais à Schaerbeek qui a hébergé jusqu’à un millier de personnes - pour la plupart des demandeurs d’asile - pendant plusieurs mois dans des conditions sanitaires déplorables a été entièrement évacué par les forces de l’ordre. Mais alors que les autorités avaient promis aux demandeurs d’asile qui s’étaient fait enregistrer avant l’évacuation qu’ils seraient pris en charge, plus de 150 d’entre eux se sont retrouvés à la rue sans hébergement, alors que 163 autres étaient emmenés sans grande concertation dans un hôtel en Brabant flamand. Ce qui a rajouté un problème communautaire à la crise de l’accueil. Le journaliste politique Ivan De Vadder (VRT) est critique : "La rue des Palais est devenue un triste symbole de la façon dont notre pays fonctionne : dans le chaos, avec divers niveaux de gestion qui se mélangent et d’interminables discussions".

La rue des Palais, triste symbole de la façon dont notre pays fonctionne

Que n’avons-nous pas déjà vu ces derniers mois dans le squat de la rue des Palais à Schaerbeek ? Il est devenu un piètre symbole de la façon dont notre pays fonctionne : dans le chaos, avec divers niveaux de gestion qui se mélangent et des discussions qui se tirent en longueur pendant des mois et portent avant tout sur "qui est responsable pour quoi", constate Ivan De Vadder. S’il y a des sans-abri dans le squat, c’est la Région bruxelloise qui est en charge du dossier. S’il n’y a que des demandeurs d’asile dans le bâtiment, alors la responsabilité incombe au gouvernement fédéral. Plus précisément à la Secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration, Nicole de Moor (CD&V).

Le fait que l’évacuation du squat de la rue des Palais se soit déroulée de façon tellement chaotique, malgré toutes les discussions, et qu’en définitive pas tous les occupants du squat aient obtenu un autre logement en dit long. Des dizaines de personnes ont fini par dormir dans la rue (photo).

"Je comprends bien le ministre flamand de l’Intégration sociale et de l’Egalité des chances Bart Somers (Open VLD) quand il qualifie de "honteux" le fait que les responsables flamands n’aient pas été informés de l’hébergement de demandeurs d’asile dans un hôtel en Flandre", confie Ivan De Vadder.

"Mais ce ne sont que des problèmes de gouvernements. Bien plus tragique est le fait que des êtres humains aient une nouvelle fois été forcés de passer la nuit dans la rue, alors qu’on leur avait promis un accueil. Le problème allait enfin être réglé. Mais même ça, nous n’y sommes pas parvenus", déplore De Vadder.

Les politiques ne parviennent plus à collaborer

"On voit et entend maintenant que les politiques se renvoient constamment les responsabilités. Qui aurait dû faire quoi ? Bien entendu, la structure de notre état est complexe. Et en temps de crises, comme pendant l’épidémie de corona ou maintenant, on sent que cette complexité joue énormément en notre défaveur. Mais les politiques ne parviennent plus à collaborer d’une autre manière, alors que dans pareille situation la solution viendrait justement d’une meilleure collaboration. Mais les divers gouvernements n’y parviennent plus", constate le journaliste politique.

"Après tout, quelle est l’importance de ces quelques centaines de mètres entre les frontières de la Flandre et de Bruxelles par rapport à cet hôtel qui accueille les demandeurs d’asile ? Si l’on ne parvient plus à collaborer dans ce genre de situations, pour trouver des solutions, alors on a un problème. C’est la faillite de la structure de notre Etat".

"Et ce n’est pas un signal exemplaire pour nos citoyens. Collaborer avec d’autres citoyens pour parvenir à des solutions, c’est ce qu’on attend de chacun de nous dans la vie de tous les jours. C’est aussi ce que le citoyen attend des politiques", souligne Ivan De Vadder.

L'hôtel Ibis où quelque 163 personnes évacuées du squat à Schaerbeek ont été temporairement relogées
DLE

Je résous le problème, ou je cherche à me profiler sur la scène politique ?

"Le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) doit-il reprendre ce dossier en main, comme l’ont suggéré certains commentateurs ? Oui, si c’est pour parvenir à une solution. Je crois encore toujours en la bonne volonté de chacun", confie De Vadder.

"N’oubliez pas que nous avons à gérer une énorme crise d’accueil : 60.000 réfugiés ukrainiens ont été accueillis dans notre pays. Ils ne sont pas tous ici en tant que demandeurs d’asile. Mais cela crée le sentiment d’avoir atteint nos limites, comme le disait récemment Theo Francken (N-VA) en tant que bourgmestre de Lubbeek. Le ministre Bart Somers y a aussi fait allusion : "Pas facile de trouver encore des lieux d’accueil dans une commune".

Cela provient du fait que nous ayons dû donner une place d’accueil à 100.000 personnes. C’est la réalité, et les politiques sont élus pour résoudre les problèmes qui surgissent dans la réalité.

Sur les réseaux sociaux, un ministre flamand a déclaré que la Flandre finance Bruxelles et la Wallonie en échange d’un déversement de misère. Ca, c’est vouloir se profiler sur la scène politique. Et cela ne donne pas l’impression que les politiques travaillent à trouver des solutions concrètes", déplore le journaliste politique.

Les journaux francophones restent muets

"Si l’on considère ce qui intéresse les médias flamands et francophones, on peut dire de longue date que nous vivons dans deux pays différents. Il y a deux opinions publiques bien divergentes. Et ce dossier en donne un exemple parfait. Alors que la presse flamande en faisait ses gros titres, la radiotélévision publique francophone RTBF a mentionné l’évacuation du squat de la rue des Palais, mais les journaux La Libre Belgique et Le Soir n’en ont pas dit un mot. Cela mérite d’être noté.

Et cela alors que les partis politiques - avec Ecolo et le PS en tête - se montrent très durs vis-à-vis de la manière dont la Secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration Nicole de Moor gère le dossier. Ils l’attaquent. Mais au moment où une crise humaine se produit à Bruxelles, ils font comme si de rien n’était", conclut Ivan De Vadder (photo).

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