Émilie Claeys, première féministe gantoise, n'aura finalement pas de rue à son nom mais bien une statue
La socialiste et féministe Emilie Claeys aura un monument à Gand, mais pas de rue portant son nom. Cette décision a été prise par le conseil communal. Cette grande figure oubliée, née à la fin du XIXe siècle, a été mise en exergue lors du 8ème épisode de la série télévisée "Het verhaal van Vlaanderen", sur la révolution industrielle. Un comité d'action avait réclamé qu’une rue de Gand porte son nom, mais la ville a finalement choisi une autre forme d’hommage pour cette personnalité hors du commun.
Un monument à la mémoire d’Emilie Claeys sera érigé à Gand. Féministe et socialiste, elle s'est battue pour le droit de vote des femmes, l'égalité des salaires et la contraception. Emilie Claeys était en avance sur son temps. Elle a été élue au Conseil national du Parti ouvrier belge, nouvellement créé, ce qui était exceptionnel à l'époque pour une femme. Cette personnalité hors du commun était tombée peu à peu dans l’oubli du grand public, mais a été récemment mise à l’avant plan dans le 8e épisode de la série "Het verhaal van Vlaanderen", consacré à la révolution industrielle.
Membre du Conseil national du POB
Emilie Claeys est née à Gand en 1855, dans une famille ouvrière. Le décès prématuré de son père l’oblige à abandonner l’école et à contribuer très vite aux revenus de la famille. Elle travaille comme fileuse et servante. C’est dans l’usine textile où elle travaille qu’elle découvre la condition misérable des ouvrières. Élevée dans la religion catholique, elle perd la foi à l'âge adulte. A l’âge de 26 ans, elle est une mère célibataire de deux filles dont le père est un bourgeois marié.
En 1886, elle devient politiquement active et devient présidente d’un club de propagande socialiste pour les femmes. Son objectif était l'émancipation des femmes, tant dans le mariage que sur le lieu de travail.
Grâce à l'intervention de ce club, le POB intègre le droit de vote des femmes dans son programme en 1893 (mais ce programme sera révisé par la suite, et le droit de vote ne sera accordé aux femmes qu'en 1948 en Belgique).
Editrice de Vooruit et fondatrice du mensuel De Vrouw
En 1893, elle devient éditrice du journal socialiste Vooruit (l’ancêtre du journal De Morgen à Gand) et fonde avec Nellie van Kol le Hollandsch-Vlaamsche Vrouwenbond (Union des femmes néerlandaises et flamandes) et son mensuel De Vrouw (La femme). Dans son premier numéro, figure la déclaration "Femmes de tous pays, unissez-vous !". Parmi leurs douze revendications figurent l’égalité de rémunération pour un travail égal, le salaire minimum et l’admission des femmes à toutes les professions sur le marché du travail.
En plus de l'égalité des droits pour les femmes, Emilie Claeys et Nelly van Kol s’engagent également en faveur de la planification familiale et de la contraception, ce qui vaut au mensuel De Vrouw d'être mis à l'index catholique des lectures interdites en Belgique. Son propre parti ne la soutient pas sur ce terrain-là.
Finalement en 1896, elle démissionne du Conseil national du POB pour protester contre l'attentisme des socialistes en matière de droits des femmes. De toute façon, son parti l’avait exclue pour avoir été prise en flagrant délit d’adultère au domicile de son compagnon, un homme marié. Son parcours hors du commun s’achève dans la désillusion et la pauvreté. Elle meurt à Gand le 16 février 1943, à l’âge de 87 ans.
L'engagement de Claeys est un symbole de la résistance contre l'injustice et l'oppression.
Cela fait plus de 30 ans qu’un comité réclame qu’une rue de Gand porte le nom d’Emilie Claeys. Il faut dire qu’à Gand comme dans d’autres villes de Belgique 85% des rues portent un nom d’homme.
Suite à la diffusion de l’épisode de "Het Verhaal van Vlaanderen", l’appel a été relancé par la conseillère communale Sonja Welvaert (PVDA). Finalement le conseil communal de Gand a opté pour un monument en l'honneur d’Emilie Claeys. Le conseil a présenté une proposition modifiée et plus large qui a été approuvée à l'unanimité. Ce monument devra aussi souligner l'oppression dont les femmes ont été les victimes et le traitement injuste qu'elles continuent de recevoir.
La ville de Gand souligne que ce monument constitue un hommage incontestable. "L'engagement de Claeys est un symbole de la résistance contre l'injustice et l'oppression", déclare le communiqué de la ville.
C’est bien qu’un hommage lui soit rendu, mais c'est dommage qu'il n'y ait pas une rue qui porte son nom.
Cependant certains comme Gita Deneckere, Professeure d’histoire à l’Université de Gand (UGent), regrettent cette décision. "C’est bien qu’un hommage lui soit rendu, mais c'est dommage qu'il n'y ait pas une rue qui porte son nom". "L’argument selon lequel on pourrait confondre une Emilie Claeysstraat avec l'actuelle Emile Clausstraat reste à mon avis une mauvaise excuse".
Toujours est-il que la ville de Gand consulte actuellement les proches d’Emilie Claeys sur les emplacements possibles du monument qui sera érigé. Entre autres, la Metselaarsstraat ou la Leo Tertzweillaan sont envisagées car Claeys y a travaillé ou y a vécu. "D'autres options sont également étudiées de manière approfondie".
"À nous la rue", lancement d'un appel à projets pour féminiser l'espace public
La Secrétaire d'État à l'Égalité des genres Sarah Schlitz (Ecolo) a annoncé jeudi lancer un appel à projets pour féminiser l'espace public. "À nous la rue" financera des projets renforçant la visibilité des femmes dans l'espace public, que ce soit grâce à une œuvre d'art, une fresque, une stèle, à hauteur de 5.000 à 30.000 euros. Les candidatures doivent être soumises avant le 1er mai.
Le suivi de l'appel à projets sera assuré par l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes (IEFH). Les projets retenus pourront être menés à bien entre le 1er août 2023 et le 29 février 2024.
L'appel répond à une revendication des collectifs féministes, qui ont fait émerger ces dernières années la question de l'absence des femmes dans l'espace public. Il s'adresse aux associations, collectifs, militantes et artistes, notamment.
Pour être retenue, l'initiative proposée devra renforcer durablement la visibilité des femmes et être accessible de manière permanente au public. Elle devra également apporter sa contribution au renfort des droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes, à briser des tabous notamment en matière de stéréotypes de genre ou de droits sexuels et reproductifs, à lutter contre les violences de genre, ou encore à rendre plus visible des femmes et/ou personnalités féministes belges.
"Ces histoires méritent d'être racontées. Parce que chacune et chacun a besoin de rôle-modèles, de se sentir elle ou lui aussi célébré dans les rues de sa ville", souligne Sarah Schlitz.
La rue reste un espace potentiellement "hostile pour les femmes, portant atteinte à leur liberté de circulation et les forçant à développer des stratégies d'évitement, en changeant par exemple leur parcours ou leurs tenues en fonction des lieux et des horaires", rappelle le communiqué de la Secrétaire d'État. Le sexisme dans l'espace public se manifeste sous différentes formes et milieux, ne se limitant pas au harcèlement.