Nicolas Maeterlinck

Ivan De Vadder : "Les suppléments de pensions à d'anciens présidents de la Chambre sont choquants, mais sont-ils illégaux ?"

"L’image du monde politique en a pris un coup", note le journaliste politique de la VRT, Ivan De Vadder. Deux présidents honoraires de la Chambre, Herman De Croo (Open VLD) et Siegfried Bracke (N-VA) ont bénéficié pendant des années de primes substantielles, en plus de leur pension, déjà parmi les plus élevées. Cette sombre histoire tombe alors que, dans le même temps, le gouvernement flamand ne parvient toujours pas à un accord sur son plan azote. Enfin on apprend que le président du syndicat chrétien va être "volontairement licencié" afin de bénéficier d’indemnités là aussi substantielles. "Cela va choquer de nombreuses personnes", déclare Ivan De Vadder. "C'est un comportement abusif, la question est de savoir s'il s'agit également de fraude."

Les suppléments de pensions

"Il faut constater que deux des plus hauts personnages de l’Etat et aussi certains hauts fonctionnaires ont fait quelque chose d'illégal. C'est littéralement ce qui figure dans le document qui a circulé mercredi", a déclaré Ivan De Vadder.

"Les pensions dans le secteur public ont été plafonnées à un moment donné à 92.000 euros par an. Cela revient à environ 7.500 euros bruts par mois. Mais même avec ce plafonnement, il s'agit d'une pension importante par rapport à celle de la plupart des gens. En plus de cela, un certain nombre de fonctionnaires, mais donc aussi 2 hommes politiques, ont bénéficié de primes. C'est donc illégal car cette limite est inscrite dans la loi."

"Si les chiffres sont corrects, pour Herman De Croo, cela revient à presque doubler sa pension déjà très conséquente. Dans le cas de Siegfried Bracke, cela reviendrait à 3.000 euros bruts en plus du montant de sa pension. Je pense que cela a choqué de nombreuses personnes. C'est un comportement répréhensible, mais la question est : est-ce aussi de la fraude ? Saviez-vous que vous contourniez la loi ? Avez-vous initié cela vous-même ?"

Saviez-vous que vous contourniez la loi ? Avez-vous initié cela vous-même ?

Dans leurs premières réactions, Herman De Croo et Siegfried Bracke ont affirmé qu'ils n'étaient pas au courant. Mais est-ce vraiment possible ? "Si on applique un raisonnement de bon sens", ajoute Ivan De Vadder. "Vous soutenez maintenant que vous ne saviez pas et que vous ne l'avez pas vu, alors je ne peux que supposer que vous percevez tellement d'argent que vous ne remarquez même pas qu'il y a un doublement de ce que vous êtes normalement censé recevoir, bref c'est une sorte de nonchalance. L'enquête devra démontrer s'il y a eu intention et donc fraude."

La manière exacte dont ce système est apparu dans les années 1990 reste pour l'instant floue. "Les présidents de la Chambre ont-ils hérité de ce qui existait dans le passé ? En étaient-ils conscients ? En 2003, ce système est devenu encore plus avantageux, et c'était à l'époque où Herman De Croo était président de la Chambre. Là encore, se pose la question : était-il au courant ou l'a-t-il lui-même initié ?".

Interrogée jeudi après-midi dans l’émission "Villa Politica", sur la VRT, l'actuelle présidente de la Chambre, Eliane Tillieux (PS), a tenté d’apporter quelques éclaircissements. Apparemment il y avait une ligne budgétaire prévue pour les présidents honoraires, mais pas pour les hauts fonctionnaires. Pour ces derniers c’était donc illégal mais en ce qui concerne les deux présidents honoraires c’est moins clair.

Il n’y a pas d’autres issues que de mettre fin à ce système et de demander le remboursement des sommes versées illégalement.

Ivan De Vadder ajoute que l’on joue sur les mots car on parle d’indemnité de retraite. "À ma connaissance, vous ne pouvez pas toucher à la fois une retraite et une indemnité de retraite en même temps. Vous devez d'abord toucher votre indemnité de retraite, et ce n'est qu'ensuite que vous pouvez commencer à toucher votre retraite. Si cela est fait en même temps, là aussi il y a quelque chose qui ne va pas."

Et maintenant que va-t-on faire ? Il n’y a pas d’autres issues que de mettre fin à ce système et de demander le remboursement des sommes versées illégalement.

Dans son livre "Wanhoop in de Wetstraat" ("Le désespoir de la rue de la Loi"), Ivan De Vadder écrit que les hommes politiques peuvent bien tenter de combler le fossé qui existe avec les citoyens, mais qu’au final, cela se résumera à 2 points essentiels : comment gérez-vous l'argent des contribuables et comment réagissez-vous lorsque vous avez commis des erreurs ? C'est ce qui déterminera la réaction des gens et qui maintiendra ou non leur confiance. Or, je pense que beaucoup de gens ne croiront pas à l'explication qui leur sera fournie".

On ne peut pas mettre tout le monde dans le même sac.

Pourtant, Ivan De Vadder souligne que tous les politiciens ne sont pas magouilleurs qui ne pensent qu’à se remplir les poches. "Vous devez espérer que quelque chose se produira de toute façon qui pourra combler ce fossé. Il n'y a pas d'autre moyen. De nombreux politiciens avec lesquels je parle en sont également conscients. Ils condamnent cette situation et veulent également qu'on y réponde. On ne peut pas mettre tout le monde dans le même sac".

Le cas de Marc Leemans

Encore dans l'actualité de ce mercredi : Marc Leemans (62 ans), quittera son poste de président du syndicat chrétien CSC-ACV anticipativement le 1er janvier 2024. Il se fait licencier pour pouvoir bénéficier du régime de chômage avec indemnités d'entreprise. Ce régime a fait l'objet de vives critiques de la part de nombreux partis politiques, notamment de la N-VA qui parle d’une "fraude sociale".

Ivan De Vadder distingue toutefois le cas de Marc Leemans de ceux de Herman De Croo et Siegfried Bracke. "C’est discutable et répréhensible, mais à proprement parler pas illégal. Juridiquement, il remplit les conditions."

"La réaction du syndicat indique qu'il s'agit d'un phénomène répandu, le syndicat chrétien ne se pose pas la question de son application. Le système est en place depuis 50 ans, mais petit à petit des gens commencent à être choqués qu'ils l'appliquent encore et l'admettent aussi ouvertement."

Enfin la crise de l’azote

Enfin, la crise de l'azote au sein du gouvernement flamand n’en finit pas de s’éterniser. Une réunion marathon n'a pas permis de trouver un accord. Le ministre président Jan Jambon (N-VA) a entamé ensuite des réunions bilatérales, mais la question est de savoir s'il parviendra à un accord dans les prochains jours.

"Permettez-moi de défendre un gouvernement qui tente de trouver un accord", a déclaré Ivan De Vadder. "Vous pouvez dire beaucoup de choses à ce sujet et noter qu'il s'agit aussi d'égos et de préoccupations électorales stratégiques, mais en fin de compte, cela fait partie du jeu démocratique, où différents partis, formant une coalition, partent d'une idéologie et d'une vision différentes et tentent -avec le courage du désespoir- de parvenir à un compromis."

"Cela ne passe pas toujours bien dans l’opinion publique. Car les gens aiment qu’il y ait une coopération et que l’on trouve des solutions, mais cela fait partie de ce qu'une démocratie est supposée être."

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