Baptême fatal de Sanda Dia : des étudiants du cercle Reuzegom admettent leur responsabilité
Au troisième jour du procès sur les faits ayant mené à la mort de l’étudiant Sanda Dia, à l’issue d’un rituel de baptême extrême, la parole était à la défense des membres du cercle étudiant de la KULeuven Reuzegom qui comparaissent pour répondre de ces faits. L'un d'eux, alias "Remorke", a par l'entremise de son avocat plaidé coupable d'homicide involontaire et de traitement dégradant, mais a demandé l'acquittement pour l'administration de substances nocives et la négligence coupable. D’autres ont exprimé leurs regrets à la famille de Sanda Dia, l’un d’eux allant jusqu’à proposer de parler avec les proches, s’ils le souhaitaient.
Le 5 décembre 2018, le cercle Reuzegom avait organisé une épreuve de baptême à laquelle ont pris part Sanda Dia, un étudiant ingénieur âgé de 20 ans, et deux autres bleus. L'activité avait débuté à Louvain et s'était poursuivie dans un chalet à Vorselaar, où la victime avait dû rester plusieurs heures dans un puits glacé. L'état de santé du jeune homme s'était nettement dégradé après avoir ingurgité de l'alcool et de l'huile de poisson, mais les membres du cercle estudiantin ont tardé avant de le conduire à l’hôpital. La victime était décédée deux jours plus tard.
Dix-huit membres du cercle Reuzegom ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour les préventions d'administration de substances nocives, traitement dégradant, homicide involontaire et négligence coupable. Des peines de prison allant de 18 à 50 mois ont été requises. "Personne ne voulait la mort de Sanda Dia, mais en négligeant les risques du rituel du baptême, elle s'est pourtant produite. Mon client reconnaît sa culpabilité et assume la responsabilité de cette tragédie", a déclaré Me Joris Van Cauter, qui a demandé une peine de travaux d'intérêt général pour son client. Il a souligné le peu d'influence de S.P. dans le cercle dont il n'était "membre que depuis un an. Le rôle qu'il a joué lors de cette activité de baptême était limité. Il a, plus rapidement que d'autres, reconnu sa culpabilité et vit avec ses remords".
Lors de sa plaidoirie, Me Van Cauter a également dénoncé avec virulence la chasse aux sorcières dont les accusés ont fait l'objet sur internet. Leurs noms et surnoms ont aussi été transmis par certains via TikTok. "Il n'y a qu'un endroit où rendre justice à Sanda et c'est ici, dans cette salle de tribunal", déclarait l’avocat. S.P. a ensuite pris lui-même la parole. "Je voudrais m'adresser aux parents et aux amis de Sanda. J'ai tant de remords. C'est terrible et cela n'aurait jamais dû se produire. Je tiens à exprimer mes plus profonds regrets et mes sincères condoléances. Il ne se passe pas un jour sans que je ne pense à lui. Je veux prendre mes responsabilités".
Les dangers méconnus de l’huile de poisson
La défense d'A.G., alias "Shrek", a, quant à elle, demandé l'acquittement de son client ou à défaut une peine de travaux d'intérêt général ou un sursis assorti de conditions de probation. Me Bram De Man a affirmé que l'accusation n'avait pas pu prouver à suffisance que son client était légalement responsable des faits qui ont conduit à la mort de l'étudiant. "Nous savons maintenant qu'il s'agit d'une substance dangereuse, mais personne ne le savait au moment de son administration. A-t-on agi dans l'intention de nuire ? Cette intention n'a pas été démontrée, en particulier pour mon client".
Me De Man a également plaidé non coupable pour son client pour ce qui est de la prévention d'homicide involontaire. "Il a été reconnu qu'un médecin généraliste ne sait pas nécessairement ce qui constitue une quantité mortelle de sel. Le ministère public en demande beaucoup quand il affirme que ces étudiants devaient être au courant. La question que le tribunal doit se poser est de savoir si, juridiquement parlant, il y a eu faute. À mon avis, il faut répondre à cette question par la négative", a déclaré l'avocat. En ce qui concerne l'accusation de traitement dégradant, Me De Man s'est référé au contexte du baptême étudiant et du cercle étudiant. "Je ne dis pas que ces actes sont acceptables, mais nous devons nous demander si les victimes les ont perçus comme une atteinte à leur dignité humaine. Je ne pense pas que ce soit le cas. Ils faisaient partie de la culture du cercle, connue de tous les candidats".
Pour ce qui est de la prévention de négligence coupable, Me De Man a fait valoir que "nous savons que l'accident est survenu dans la dernière phase de l'activité. Ce timing est très important si on doit juger de négligence coupable". L'avocat a ensuite souligné qu'A.G. avait amené Sanda au chalet de Vorselaar et lui avait donné à manger et à boire lorsqu'il a constaté que l'état de santé du jeune homme n'était pas bon.
Enfin, la parole a été donnée à A.G. lui-même. Comme les autres prévenus, il s'est adressé directement à la famille de Sanda. "Je suis désolé que Sanda ait rejoint notre groupe, je suis désolé de la façon dont les choses se sont passées, je suis désolé que Sanda ne soit plus là. J'espère qu'un jour vous pourrez me pardonner, et pardonner notre cercle".
M.G., également connu sous le nom de "Kletsmajoor", a demandé, comme son frère A.G, l'acquittement, via leur avocat. Ou à défaut de cela, une peine de travaux d'intérêt général ou un sursis. Me De Man n'a pas cherché à nier que son client porte une énorme responsabilité morale, mais d'un point de vue strictement juridique, a-t-il dit, les choses sont différentes. Il a repris les arguments déjà développés pour "Shrek" à propos des préventions d'homicide volontaire, de négligence coupable, de traitement dégradant ou d'administration de substance nocive. "Je tiens à dire à la famille de Sanda les remords qui sont les miens", a alors dit M.G. "Je pense parler aussi au nom des 17 autres prévenus en disant que le fait que nous ayons suivi de manière irréfléchie le script du baptême a hypothéqué votre bonheur. Nous ne pouvons pas nous rendre compte de la douleur que nous avons causée. Je me rends de temps en temps sur la tombe de Sanda pour discuter avec lui, ce qui me donne du courage".

Une invitation à parler
"Nous reconnaissons notre responsabilité. Nous avons causé par inadvertance la mort de Sanda Dia", a déclaré Me Louis De Groote au nom de J.J., alias "Zaadje". "Mon client a lui-même reconnu que la façon dont ils ont organisé ce baptême était irresponsable". L'avocat a plaidé une peine de travaux d'intérêt général ou un sursis. Après avoir été trésorier du cercle pendant un an, J.J. en était devenu président. Il était responsable de l'organisation des activités, dont le baptême faisait partie. "Il a été mandaté par les 22 membres pour l'organiser selon la tradition. Chaque décision qu'il prenait devait être soutenue par le groupe. Je ne suis donc pas d'accord avec le ministère public pour dire qu'il avait la responsabilité finale et qu'il devrait donc être puni plus sévèrement", a plaidé Me De Groote. La prévention d'administration de substances nocives est contestée aussi par la défense, J.J. ne savait pas que l'huile de poisson pouvait être dangereuse. Celle qu'il avait commandée, avait également été utilisée sans problème lors de baptêmes précédents.
Selon l'avocat, il ne peut pas non plus être question de négligence coupable puisque son client a essayé d'aider la victime mais celle-ci ne pouvait déjà plus être sauvée. Le prévenu s'est ensuite adressé aux proches. "Sanda n'aurait pas dû mourir ainsi et c'est notre faute", a reconnu J.J. "Il aurait dû être encore là. Je me sens immensément coupable de n'avoir pas compris les dangers. Je reste à votre disposition si vous voulez parler. J'ai trahi votre confiance et je n'ai pas réussi à protéger Sanda. Cela n'aurait jamais dû arriver", a-t-il déclaré avec émotion. L'audience a ensuite été suspendue un moment. La mère de Sanda Dia a brièvement serré J.J. dans ses bras avant de quitter la salle.