Affaire Sanda Dia : l'avocat de deux prévenus dénonce des "dommages irréparables" causés par les médias

Me John Maes, qui défend J.S., alias "Flodder", et W.P., alias "Randi" - deux des 18 membres du cercle étudiant de la KULeuven Reuzegom qui comparaissent actuellement - s'en est pris violemment aux médias au début de sa plaidoirie de ce jeudi devant la cour d'appel d'Anvers, au quatrième jour du procès pour la mort de Sanda Dia lors d'un baptême fin 2018. L'avocat estime en effet que des limites ont été dépassées, causant des dommages irréparables et rendant potentiellement l'action publique irrecevable. "Je remets la décision à ce sujet entre vos mains", a-t-il dit à la présidente de la cour, "mais ce qui s'est passé ici est irréparable". Il fait aussi allusion au fait que les noms et alias des 18 prévenus circulent en ligne et sur des réseaux sociaux.

Me Maes s'est référé à la Cour européenne des droits de l'homme, qui a déjà estimé qu'une "presse virulente" pouvait porter atteinte à l'impartialité du juge et à la présomption d'innocence. "Notre presse ne devrait pas dépasser certaines limites, mais c'est ce qui s'est passé ici. Elle n'a pas hésité à juger et à condamner ces garçons et leurs familles. Les reportages étaient souvent loin de la vérité et ont contribué à déterminer la procédure judiciaire. La question est de savoir si cela peut encore être rectifié à ce stade du procès", s'est demandé Me Maes. L'avocat a souligné la multitude de préventions que l'accusation a ajoutées aux faits. "Avec un seul objectif: faire condamner le plus grand nombre de personnes pour le plus grand nombre possible de qualifications délibérées. Le tout par le souffle chaud des médias. Je remets entre vos mains le jugement sur la recevabilité du dossier pénal. Mais ce qui s'est passé ici est irréparable."

Il a également pointé du doigt son confrère Sven Mary, qui représente les proches de Sanda Dia. "Il exige une exécution publique et appelle la presse à publier toutes les identités et tous les visages reconnaissables. Je ne suis pas à l'aise avec cela, mais c'est la cerise sur le gâteau de ce qui s'est passé dans les médias ces dernières années", fustige-t-il. L'avocat a appelé tout le monde à cesser de diaboliser et de déshumaniser les prévenus.

"La couverture d'indignation qui a été jetée sur cette affaire ne doit pas nous faire oublier les règles de la procédure pénale. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement", insiste-t-il. Il demande la justice pour les prévenus, tout comme pour Sanda Dia, rappelant qu'il n'y a pas de mal à contester des préventions. "Ce n'est pas immoral, c'est notre devoir d'avocat."

Deux prévenus arrivent au tribunal anversois
Jonas Roosens

Les plaidoiries se poursuivent, le procès prolongé

Les plaidoiries de la défense se poursuivaient ce jeudi devant la cour d'appel d'Anvers. Trois prévenus ont ainsi sollicité leur acquittement. Le procès devrait jouer les prolongations, alors qu'il est apparu que les audiences ne seraient pas terminées ce vendredi et qu'un jour supplémentaire a été ajouté lundi.

Pour rappel, le 5 décembre 2018, le cercle Reuzegom avait organisé une épreuve de baptême à laquelle ont pris part Sanda Dia, un étudiant ingénieur âgé de 20 ans, et deux autres bleus. L'activité avait débuté à Louvain et s'était poursuivie dans un chalet à Vorselaar, où la victime avait dû rester plusieurs heures dans un puits glacé. L'état de santé du jeune homme s'était nettement dégradé après avoir ingurgité de l'alcool et de l'huile de poisson. La victime est décédée deux jours plus tard à l'hôpital.

Dix-huit membres du cercle estudiantin Reuzegom ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel poursuivis pour administration de substances nocives, traitement dégradant, homicide involontaire et négligence coupable. Le tribunal s'était estimé compétent pour juger les faits survenus le 5 décembre 2018 seulement, à Vorselaar, et non avant, ce que contestent le parquet et les parties civiles d'où la procédure en appel. Des peines de prison allant de 18 à 50 mois ont été requises.

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