L’émotion du père et du frère de Sanda Dia au dernier jour du procès à Anvers
Ousmane Dia, le père de l’étudiant Sanda décédé des suites d’un baptême extrême mené en décembre 2018 par le cercle estudiantin Reuzegom, a pris la parole ce lundi matin lors du dernier jour du procès à Anvers. Il s'en est pris aux 18 prévenus, membres du cercle Reuzegom, et à leurs parents. "Je n'ai pas de haine, vous ne devriez pas aller en prison. Mais vous n'étiez pas les amis de Sanda, parce qu'on ne laisse pas mourir un ami", a-t-il déclaré avec une émotion extrême. Quant au frère de l’étudiant décédé, Seydou De Vel, il a souligné que deux questions n’ont toujours pas reçu de réponse : qui a administré le breuvage mortel à son frère, et qui a écarté une femme médecin qui s’inquiétait de l’état de Sanda en déclarant que le baptême était presque fini, ce qui était totalement faux ? La cour d'appel d'Anvers a mis l'affaire en délibéré. L'arrêt est attendu le 26 mai.
Après avoir entendu ces derniers jours les plaidoyers des avocats des 18 membres du cercle estudiantin Reuzegom (KU Leuven) et les déclarations de regrets des prévenus, la cour d’appel cédait ce lundi la parole aux proches de la victime, et notamment au père et au frère de Sanda Dia. Des moments d’émotions intenses, révélant deux hommes brisés par la mort du jeune étudiant ingénieur charismatique.
"Je suis en colère, très en colère. En colère contre l’université KU Leuven, en colère contre les jeunes hommes ici présents, en colère contre les parents des garçons ici présents", a déclaré Ousmane Dia. "Le 5 décembre, alors que j'étais à l'hôpital tenant la main de mon fils pour l'empêcher de partir, ces parents étaient occupés avec leur avocat, de très grands avocats de Belgique. Je suis en colère et à juste titre, je pense, car on prétend ici que Sanda était un ami de ces messieurs. Mais je prouverai que ce n'est pas vrai."
Ousmane Dia a ensuite évoqué, notamment, le fait que Sanda n'allait déjà pas bien après le cantus. "Sanda ne pouvait pas s'habiller seul, il ne pouvait pas marcher, et pourtant vous l'avez traîné jusqu'à Vorselaar" - pour la deuxième partie très éprouvante du baptême estudiantin. "Et vous prétendez tous qu'après une gorgée d'Ice tea et un morceau de pain, il est redevenu normal. Comment pouvez-vous dire cela? Je me demande ce que vous avez dans la tête."
"Si je peux me tenir ici aujourd'hui et parler, c'est grâce aux médicaments. Je me suis perdu dans la mort de Sanda, je ne peux plus fonctionner. Je ne sais pas moi-même comment ma femme m'a toléré, parce que je ne suis plus vivable", a conclu Ousmane Dia.
"Deux questions restent sans réponse"
"Vous savez ce qui s'est passé lors des dernières heures de Sanda, nous non. Et cela me brise", a fustigé Seydou De Vel, le frère de Sanda. Quatre ans et demi après les faits, il dit ne toujours pas savoir qui a administré en grande quantité l’huile de poisson qui a été fatale à son frère. Comme son père auparavant, le frère a rejeté les allégations de certains prévenus selon lesquelles ils considéraient Sanda Dia comme leur ami.
"Sanda voyait Reuzegom comme un tremplin pour sa carrière, prétendre le contraire n'est pas vrai. Vous ne savez pas ce que c'est que de grandir en tant que garçon de couleur dans un environnement majoritairement blanc. Nous devons toujours nous surpasser pour atteindre quelque chose", a-t-il lancé à l'adresse des 18 prévenus. Seydou De Vel a ensuite poursuivi, affirmant ne pas avoir obtenu de réponse à deux questions pour lui essentielles : "qui a administré l'huile de poisson ? Et qui a envoyé la jeune fille se promener dans le garage sous prétexte que le baptême était bientôt terminé ?". À ces deux interrogations, "nous n'avons toujours pas obtenu de réponse, quatre ans et demi après les faits", a-t-il souligné face à la cour.
Selon lui, les membres du cercle Reuzegom cités dans cette affaire ne lui ont pas seulement pris son frère. Ils l'ont également privé de sa paternité. "Un mois après avoir enterré mon frère, je suis devenu père pour la première fois. J'ai vécu cette naissance dans l'inertie. Ma fille a maintenant quatre ans et j'ai la sensation de ne pas être présent pour elle. Elle est aussi marquée pour la vie, puisqu'elle était à l'époque dans le ventre de sa mère".
Après l'audition des parties civiles, la défense n'a pas jugé utile de répliquer. "Nous sommes d'avis que tout a été dit. Nous estimons qu'il relève désormais de la cour d'examiner l'affaire et de prendre le temps nécessaire pour rendre une décision juste", a indiqué Me De Man, au nom des avocats de la défense.
Parmi les 18 prévenus - à qui revenait le dernier mot - quatre membres du cercle Reuzegom présents à l'audience ont saisi l'occasion de s'adresser à nouveau aux parties civiles, dont les témoignages les auraient "profondément bouleversés", afin de leur présenter une nouvelle fois leurs "plus sincères excuses" pour les actes commis. Les autres prévenus n'ont rien ajouté.
Arrêt de la cour le 26 mai
La cour a ensuite mis l'affaire en délibéré. Pour rappel, en première instance, la présidente du tribunal correctionnel de Hasselt s'était déclarée uniquement compétente pour juger les faits survenus lors du baptême, le 5 décembre 2018 à Vorselaar, et non l'ensemble des événements survenus avant, qui se sont déroulés à Louvain et ont, selon la famille de la victime, joué un rôle dans le décès de l'étudiant. Cette dernière et le ministère public ont interjeté appel de cette décision.
Devant la cour d'appel d'Anvers, le ministère public a maintenu sa position et confirmé les peines requises, allant de 18 à 50 mois de prison ferme. "Une peine est réclamée par le ministère public en son âme et conscience, sur la base de l'ensemble des pièces du dossier pénal. Le droit à la vie est un bien à protéger et pèse dans notre balance", a-t-il justifié.
La cour d'appel d'Anvers doit désormais statuer si le tribunal de Hasselt est compétent pour l'ensemble des faits, dont la réunion préparatoire au baptême et les événements des 4 et 5 décembre 2018 à Louvain. Son arrêt est attendu pour le 26 mai à 11h.